Le retour en force des Américains en Égypte indispose les Soviétiques. Déjà, dans les mois qui ont précédé la guerre d'octobre, la presse du Caire ne cessait de critiquer l'URSS sur des questions aussi diverses que l'émigration de juifs en Israël, la politique de la détente avec les États-Unis, qualifiée de « collusion », les réserves de Moscou concernant le droit des Arabes d'avoir recours à la force pour recouvrer les territoires occupés par l'État juif. Le vice-président de la République égyptienne, Hussein El Chafei, avait été jusqu'à accuser l'URSS, le 26 juillet, d'avoir favorisé la défaite arabe en juin 1967, en connivence avec les États-Unis.

URSS

Mais le président Sadate adopte dès juillet une attitude plus conciliante. À diverses reprises, il déclare que les Soviétiques demeurent les « principaux amis » de l'Égypte dans l'arène internationale. Pendant la guerre d'octobre, l'afflux d'armes soviétiques et le soutien diplomatique que donne Moscou aux initiatives du Caire paraissent rapprocher les deux capitales.

L'euphorie est de courte durée. Dès décembre, à la conférence de Genève, la délégation égyptienne épouse le point de vue de Jérusalem et de Washington selon lequel les négociations sur la séparation des troupes dans le Sinaï devaient être bilatérales, excluant ainsi les représentants soviétiques. En janvier, Moscou ne cache pas sa mauvaise humeur devant la conclusion de l'accord de désengagement israélo-égyptien, sous les auspices exclusifs de H. Kissinger.

Andrei Gromyko est accueilli courtoisement au Caire du 1er au 5 mars, mais, le 29 du même mois, l'orage éclate à nouveau. Le président Sadate accuse les dirigeants du Kremlin de défaitisme et de mensonge. Il rapporte que dans la soirée du 6 octobre, six heures après le déclenchement des hostilités, l'ambassadeur soviétique au Caire lui aurait recommandé de demander un cessez-le-feu et cela conformément aux vœux du gouvernement syrien. Renseignements pris, a ajouté Sadate, il s'est avéré que le président Assad n'avait jamais présenté une telle requête aux responsables soviétiques. Le 3 avril, le chef de l'état-major revient à la charge : la guerre d'octobre, soutient-il, a été préparée et conduite non seulement sans le concours de l'URSS, mais contre sa volonté. Radio-Moscou rétorque deux jours plus tard que l'URSS ne s'est jamais opposée à un éventuel recours à la force pour libérer les territoires occupés. Le 16 avril, Sadate confie à un congrès d'étudiants qu'il a été fortement tenté de dénoncer le traité égypto-soviétique de mai 1971.

L'expédition d'armement soviétique, y compris les pièces de rechange, est interrompue depuis la fin de la guerre d'octobre, apprend-on en avril. Le 22 du même mois, Sadate déclare qu'il est disposé à acquérir des armes aux États-Unis. Le secrétaire d'État à la défense, James Schlesinger, annonce que toute requête du Caire sera examinée « avec sympathie », mais il précise le 25 juin que l'Égypte devra payer comptant d'éventuels achats aux États-Unis.

Libéralisme

Le gouvernement du Caire, toujours dans le souci d'améliorer les rapports avec les États-Unis, paraît se désintéresser de l'Europe, dont le rôle politique au Proche-Orient semble s'amenuiser. L'Égypte, comme l'Arabie Saoudite, ne paraît pas pressée de favoriser un dialogue euro-arabe. Un accord de principe est pourtant conclu en juin, pour que la marine nationale française participe, aux côtés des Anglais et des Américains, au déminage du canal de Suez.

Les travaux de déblaiement de la voie d'eau, la reconstruction des villes de Port-Saïd et de Suez, commencés en février, seraient terminés avant la fin de l'année, annonce le président Sadate. Plusieurs pays offrent des crédits, notamment le Japon (environ 400 millions de dollars pour l'élargissement du canal) et l'Iran (250 millions de dollars). Dès fin mars, des facilités portuaires sont fournies aux deux extrémités du canal.

Tout est mis en œuvre pour attirer les capitaux étrangers. Rompant avec le socialisme nassérien, le Parlement adopte, le 10 juin, une loi exceptant les sociétés étrangères de diverses dispositions qui garantissaient une participation majoritaire du capital égyptien, la représentation du personnel dans le conseil d'administration et des avantages sociaux pour les ouvriers. Le régime fiscal est allégé et les firmes étrangères sont autorisées à rapatrier 50 % de leurs bénéfices. Des projets de loi sont mis au point pour prémunir les investissements (nationaux et étrangers) contre les dangers de séquestration, de confiscation ou de nationalisation. Les biens saisis sous l'ère de Nasser sont restitués à leurs propriétaires.