Il repart pour Tripoli persuadé que Le Caire ne veut plus de la fusion entre les deux pays, prévue pour le 1er septembre 1973 au plus tard. Il entreprend une ultime tentative pour forcer la main au successeur de Nasser. Des dizaines de milliers de Libyens commencent, le 18 juillet, une marche sur le Caire, pour inciter Sadate à proclamer l'union. Le président égyptien prend mal cette impétueuse initiative, fait refouler les manifestants avant leur arrivée au Caire et envoie un sévère message au colonel Kadhafi. Celui-ci démissionne de toutes ses fonctions, mais, à la suite de manifestations populaires à Benghazi, il annonce dans cette ville, le 23 juillet, qu'il revient sur sa décision.

Après une relative accalmie dans les relations tumultueuses entre les deux capitales, celles-là s'enveniment après la tentative insurrectionnelle qui se produit à l'Académie du génie militaire du Caire dans la nuit du 17 au 18 avril 1974. Les autorités égyptiennes accusent le colonel Kadhafi d'avoir financé et télécommandé l'organisation d'extrême droite qui a fomenté le complot. Le président libyen, qui proteste de son innocence, supprime dix jours plus tard les subsides que Tripoli versait annuellement au Caire depuis la défaite arabe de 1967. La polémique rebondit en mai quand la Libye soutient qu'elle a fourni à l'Égypte, pendant la guerre d'octobre, du matériel militaire valant 711 164 000 dollars.

USA

Il était évident, dès l'été de 1973, que Sadate avait décidé de sacrifier son amitié avec Kadhafi pour gagner celle du roi Fayçal. Plus riche que le président libyen, plus influent parmi les pays producteurs de pétrole dans le golfe Persique, disposant de puissantes amitiés dans les milieux dirigeants américains, favorable aussi à un règlement de compromis avec Israël, le souverain saoudien pouvait mieux servir les desseins du chef de l'État égyptien.

Ce dernier avait décidé de courtiser l'Amérique et de lui offrir suffisamment de satisfactions pour provoquer un divorce entre Washington et Jérusalem. Une semaine avant la guerre d'octobre, les autorités du Caire rejettent l'offre d'un consortium européen pour la construction de l'oléoduc Suez-Alexandrie, et confient ces travaux à la compagnie américaine Bechtel. Elle y renonce en avril au profit d'un groupe italien, se réservant seulement la tâche de superviser les travaux. Le capital américain, surtout pétrolier, est encouragé à venir se placer en Égypte. Des concessions pour la recherche et l'exploitation du brut sont attribuées en mars, mai et juin à des sociétés d'outre-Atlantique qui s'engagent à investir respectivement 29, 12 et 19 millions de dollars.

Dès le 31 octobre, et alors que le pont aérien américain livrant de l'armement à Israël vient à peine de prendre fin, le président Sadate rend publiquement hommage à « l'attitude constructive » des États-Unis en faveur de la paix. Le 7 novembre, à l'issue d'un entretien avec Henry Kissinger, il annonce sa décision de rétablir les relations diplomatiques entre les deux capitales. En janvier, il proclame que la Maison-Blanche a modifié son attitude à l'égard du problème israélo-arabe, et il commence à œuvrer en faveur de la levée de l'embargo pétrolier imposé aux États-Unis.

Le drapeau américain est hissé le 28 février au Caire, pour la première fois depuis juin 1967, le jour même du rétablissement des relations diplomatiques. Le président Sadate invite même le chef de la Maison-Blanche.

Coopération

L'Égypte réserve à R. Nixon, qui accomplit une visite officielle du 12 au 14 juin, un accueil triomphal. Le président américain offre à l'Égypte, sous réserve de l'approbation du Congrès, un don de 250 millions de dollars et s'engage à fournir des centrales nucléaires qui fonctionneraient « au début des années 80 ». Une commission permanente, présidée par les ministres des Affaires étrangères des deux pays, est chargée de développer la coopération économique.

David Rockefeller, P-DG de la Chase Manhattan Bank, offre un prêt de 80 millions de dollars pour financer des projets industriels. Un consortium présente un plan pour la construction d'une aciérie dont le financement (1,5 milliard de dollars) serait assuré par des banques d'outre-Atlantique. L'Iran, vraisemblablement encouragé par Washington, s'engage, en mai, à investir un milliard de dollars dans divers projets économiques.