Dès son retour, le 1er juin, Nixon peut, à juste titre, déclarer devant le Congrès qu'il ramène « le début d'un processus qui peut conduire à une paix durable » : en affirmant leur détermination de fonder désormais leurs relations sur la coexistence pacifique et le règlement des différends par la négociation permanente, les deux Grands ont engagé le monde dans une phase nouvelle de son histoire. Mais sur le Viêt-nam aucun progrès n'a pu être réalisé. Aux yeux du plus grand nombre, la portée des accords conclus s'en trouve singulièrement limitée.

Les vicissitudes de l'économie américaine préoccupent, elles aussi, le président.

Inflation

Depuis plusieurs années, les États-Unis sont victimes à la fois d'une inflation persistante et d'un taux de chômage élevé. Loin de s'améliorer, à partir de 1969, date du retour au pouvoir des républicains, la situation a empiré : les prix ont continué à augmenter dans des proportions inquiétantes, le nombre des sans-travail s'est accru de deux millions. Pourtant, Richard Nixon s'est toujours déclaré hostile à la moindre mesure de contrôle autoritaire. Voilà pourquoi son allocution télévisée du 15 août 1971 fait l'effet d'une bombe : pour interrompre la spéculation sur la monnaie américaine, rétablir la balance commerciale de son pays et combattre l'inflation tout en favorisant l'emploi, Nixon décide de suspendre la convertibilité en or du dollar. En même temps il annonce l'imposition d'une surtaxe de 10 % sur les importations industrielles et l'institution, pour trois mois, d'un blocage des salaires et des prix. Des exemptions fiscales sont en outre prévues, qui devraient permettre le développement des investissements et l'abaissement du prix de certains produits (les automobiles, notamment, se trouvent exonérées d'une taxe de 7 %).

Blocage

Au cours de sa déclaration, Nixon définit l'inflation comme « l'un des héritages les plus cruels de la prospérité artificielle dérivant de la guerre ». Il souligne que le gel des prix et des salaires est une mesure provisoire : « Si l'on mettait la vigoureuse économie américaine dans une camisole de force, dit-il, cela aurait pour effet de perpétuer le manque d'équité et d'étouffer l'expansion de notre système de libre entreprise. » Quant à l'ensemble des initiatives prises pour vaincre le chômage, il constitue, selon le président, « les stimulants à court terme les plus forts de notre histoire ».

Le dispositif protectionniste mis en place correspond, bien sûr, à une dévaluation masquée du dollar. Nixon explique ainsi cet aspect de sa nouvelle politique économique à ses compatriotes : « Si vous voulez acheter une voiture étrangère ou faire un voyage à l'étranger, les conditions du marché peuvent faire que le pouvoir d'achat de votre dollar soit un peu moindre. Mais si vous faites partie de l'écrasante majorité qui achète des produits fabriqués en Amérique, votre dollar aura exactement la même valeur demain qu'aujourd'hui. »

Aux États-Unis, ce sont évidemment les mesures de blocage des salaires et des prix qui suscitent le plus grand nombre de réactions : elles affectent directement la vie quotidienne des Américains. La plupart des économistes, les industriels, les républicains s'y montrent favorables. En revanche, les dirigeants démocrates soulignent que le blocage ne gèle ni les profits ni les taux d'intérêt et parlent de discrimination à l'égard des salariés. (Le sénateur George McGovern, première personnalité du parti de l'âne à avoir fait acte de candidature pour les élections présidentielles de novembre 1972, va jusqu'à qualifier le nouveau programme de folie économique.)

Price commission

Le président de l'AFL-CIO, George Meany, reprend à son compte la thèse des démocrates, et plusieurs syndicats dont les membres devraient bénéficier d'une augmentation de salaires à l'automne envisagent même de défier l'exécutif. En revanche, le puissant syndicat des camionneurs (1 900 000 adhérents) entend appuyer la politique présidentielle tandis que celui des travailleurs de l'automobile (1 500 000 membres) annonce qu'il se conformera aux nouvelles réglementations (ni les teamsters ni l'UAW ne dépendent de l'AFL-CIO).