Juan Maria Bordaberry, ex-ministre de l'Agriculture et dauphin-surprise du président Pacheco Areco, est porté à la présidence, qu'il occupe à partir du 1er mars 1972. Mais l'éloquent leader du parti blanco, Wilson Ferreira Aldunate, qui fait figure de réformiste, remporte un succès personnel non négligeable.

Par contre, le Front élargi, regroupant socialistes, communistes, démocrates-chrétiens, dissidents blancos et colorados, avec à leur tête l'ancien général Liber Seregni, essuie un échec relatif en ne recueillant que 262 390 voix. De création récente — et peut-être plus stratégique qu'idéologique —, défavorisé par un système électoral (la loi des devises) qui permet aux grands partis de monopoliser les voix, le Front élargi prend néanmoins sa place sur l'échiquier politique, puisqu'il devient la troisième force du pays. Simplement, la perspective d'un avenir à la chilienne — que certains avaient cru pouvoir lui prédire — s'est quelque peu éloignée.

Son parti étant minoritaire au Parlement (55 voix sur 130), le président, un peu écrasé par le poids de ses nouvelles responsabilités, propose un accord national entre les deux formations traditionnelles. Ferreira Aldunate s'y refuse d'abord, au nom de son parti d'ailleurs divisé. Mais le climat d'insécurité et d'inquiétude créé par l'action violente des Tupamaros ainsi que les risques d'un pronunciamiento finissent par rapprocher les frères ennemis. La détérioration de la situation économique et politique est telle que les conditions paraissent favorables à la création d'un gouvernement d'union nationale.

Guerre interne

Les Tupamaros du Mouvement de libération nationale (MLN) n'ont cessé tout au long de l'année de se signaler par des coups d'éclat : enlèvements de personnalités politiques, de diplomates, d'industriels séquestrés dans des prisons du peuple ; évasions spectaculaires, notamment celle, le 6 septembre 1971, de 106 Tupamaros de la prison de Punta-Carretas, réputée pour sa surveillance particulièrement sévère. Mouvement d'intellectuels et d'étudiants, mais aussi de cadres, petits et moyens, représentatifs d'une société homogène et de haut niveau culturel, les Tupamaros bénéficient de complicités à tous les échelons et de la sympathie, à la fois craintive et admirative, de la population. Sur le plan intérieur, ils ont indirectement mais fortement contribué à la formation du Front élargi. À l'extérieur, la guérilla urbaine est prise au sérieux par ceux-là mêmes qui, au nom de l'orthodoxie castriste, la qualifiaient d'hérétique.

Mais après une trêve de quelques semaines, pendant la période électorale, l'action reprend avec force au début de l'année. Le 14 avril, un affrontement sanglant fait 12 morts, parmi lesquels, pour la première fois, des militaires chargés de la lutte antiguérilla. Le MLN aura beau montrer l'existence d'une police parallèle : ce vendredi rouge heurte les traditions démocratiques du pays et provoque le regroupement des forces du centre et de droite autour du gouvernement, qui proclame l'état de guerre interne.

Le 27 mai, des mesures de ratissage systématiques aboutissent à la découverte des prisons du peuple et à l'arrestation de nombreux guérilleros. Ce fait, ajouté au rôle grandissant de l'armée et à la lassitude de la population, marque le premier échec sérieux du MLN depuis la fameuse marche de la faim organisée par Raul Sendic en juin 1962. Le 16 juin 1972, 45 Tupamaros sont arrêtés, la plupart à Bella-Union, près de la frontière brésilienne. Parmi eux, l'un des chefs du mouvement, José Pedro Zabalza, fils d'un sénateur blanco.

Économie

Les grèves générales du 14 mars, puis des 18 et 25 avril, traduisent une situation économique fort inquiétante. À peine en fonction, le président Bordaberry dévalue le peso de 50 %, mais la balance commerciale reste largement déficitaire : l'endettement atteint les 300 millions de dollars, les prix montent, alors que les salaires demeurent bloqués et que le chômage s'étend.

Venezuela

10 400 000. 11. 3,5 %.
Économie. PNB (68) 944. Production : G (68) 128 ; A (*69) 139 ; I (67) 120. Énerg. (*69) : 2 153. C.E. (68) : 31 %.
Transports. (*69) : 29 M pass./km, 10 M t/km. (68) : 482 000 + 197 100.  : 393 000 tjb. (*69) : 1 022 803 000 pass./km.
Information. (69) : 38 quotidiens ; tirage global : 709 000. (69) : *1 685 000. (68) : *700 000. (69) : 376 945.
Santé. (68) : 8 620.
Éducation. (68). Prim. : 1 602 443. Sec. et techn. : 385 622. Sup. (67) : 58 747.
Institutions. État fédéral. République présidentielle. Constitution de 1961. Président et chef de l'exécutif : Rafael Caldera, élu le 9 décembre 1968 ; succède à Raùl Leoni.

Politique pétrolière

La richesse nationale doit devenir bien national : ainsi peut se résumer la politique pétrolière menée activement par le gouvernement Caldera. La loi sur le retour du pétrole adoptée, l'activité des concessions est soumise par le ministère des Mines d'hydrocarbures à diverses réglementations, en matière de production et d'exploration notamment. Le pays se met en mesure de contrôler toute l'industrie pétrolière à partir de 1983, et pourra nationaliser sans indemnisation les concessions insuffisamment exploitées d'ici à 1974. La Creole Petroleum Corporation et la Shell, qui possèdent les principales concessions, demandent, en vain, l'annulation du texte de loi qu'elles estiment inconstitutionnel...