Le 30 septembre, le Sénat a adopté un amendement de Mike Mansfield demandant le retrait de toutes les troupes américaines d'Indochine dans les six mois, à condition que les prisonniers de guerre soient libérés.

Le 12 novembre, au cours d'une conférence de presse, Nixon a précisé sa position sur le désengagement américain. Aucun calendrier à long terme de rapatriement des Gls n'a été présenté par le président. Celui-ci s'est contenté d'annoncer que le rythme des retraits de troupes allait être augmenté, mais que les États-Unis continueraient à assister le Viêt-nam du Sud aussi longtemps que ce dernier n'aurait pas la capacité de se défendre seul. Décidé à poursuivre sa politique de vietnamisation, Nixon a insisté plus particulièrement sur le rôle important que l'aviation américaine aurait encore à jouer si Hanoi ne tempérait pas son intransigeance. Le 2 janvier 1972, le président a justifié de nouveau les raids de l'US Air Force sur le Viêt-nam du Nord ; le 13, il a annoncé une nouvelle réduction des effectifs du corps expéditionnaire ; le 25, il a présenté un plan de paix en huit points, mais ses propositions, elles non plus, n'ont débouché sur aucun résultat positif.

L'opinion, désenchantée, semble s'être désintéressée peu à peu de révolution du conflit. Le fait que celui-ci fasse de moins en moins de morts dans les rangs des boys semble apparemment lui suffire. La guerre du Viêt-nam est en train de devenir une guerre oubliée.

C'est alors qu'éclate, début avril, l'offensive généralisée des forces de Hanoi et du FNL. En quelques jours, les défaites de l'armée de Saigon vont montrer aux Américains les limites de la vietnamisation. De New York à Los Angeles, l'homme de la rue est bien obligé d'admettre que le voyage de Pékin, tout historique qu'il ait pu être, n'a en aucune façon empêché l'interminable conflit de s'accentuer. Les observateurs sont unanimes : c'est, disent-ils, un coup dur pour Nixon à quelques mois des élections.

En décidant une intensification sans précédent de la guerre aérienne et des bombardements du Viêt-nam du Nord par les B-52, Nixon s'attire, certes, les foudres des figures de proue du parti démocrate. Mais une majorité d'Américains, sensibles à l'argument selon lequel leur pays ne doit en aucun cas quitter l'Indochine en perdant la face, font preuve à l'égard du président d'une compréhension manifeste et approuvent sa ligne dure.

Pendant ce temps, les manifestations pacifistes se multiplient aux quatre coins du pays, mais un certain découragement semble prévaloir au sein des organisations hostiles à la guerre. Le 22 avril, à New York, un défilé de protestation contre la politique américaine au Viêt-nam — auquel le maire John Lindsay apporte sa caution — rassemble quand même plusieurs dizaines de milliers de personnes. Mais ni cette marche ni les divers mouvements qui éclatent dans les universités n'ont une ampleur comparable à celle des grandes démonstrations de masse des années précédentes.

Le 27 avril, Nixon annonce le retrait du Viêt-nam d'un contingent supplémentaire de 20 000 hommes avant le 1er juillet 1972, mais le 30, il lance un nouvel avertissement à Hanoi et, le 9 mai, il prend la décision de miner le port de Haiphong et d'instituer le blocus du Viêt-nam du Nord. Pour Edward Kennedy, c'est une « pure folie ». Edmund Muskie estime que le président « met en péril la sécurité même des États-Unis ». George McGovern affirme que Nixon « flirte avec une troisième guerre mondiale ». Mais aucun élan populaire ne vient appuyer ces déclarations.

Pendant quelques jours, beaucoup d'Américains semblent se résigner à l'idée que le voyage à Moscou de leur président va être annulé. Dès le milieu de mai, pourtant, il s'avère que Nixon a, une fois encore, réussi à gagner son pari.

Moscou

Le 22 mai, le président aborde avec les principaux dirigeants soviétiques « la négociation la plus intense qu'il ait jamais eu à conduire ». Aux États-Unis, l'inquiétude des dernières semaines a fait place à la sérénité. Mais c'est une sérénité mêlée d'indifférence. Au-delà de toute considération idéologique, les Américains s'étaient passionnés pour le séjour de Nixon en Chine. Il n'en va pas de même avec le déplacement en URSS : ce nouveau sommet, dont l'enjeu est d'une importance considérable et dont le caractère inédit est souligné à maintes reprises — c'est la première fois qu'un président des États-Unis se rend dans la capitale de l'Union soviétique —, n'apparaît au public que sous les abords d'une rencontre strictement politique, sans couleurs et sans attraits anecdotiques.