Le 8 novembre, les 6 premiers membres de la mission diplomatique chinoise arrivent à New York. Plusieurs dizaines de journalistes, de photographes et de cameramen, et un nombre aussi imposant de policiers, les attendent à l'aéroport. Les Chinois descendent à l'hôtel Roosevelt, à l'entrée duquel flotte pour la circonstance le drapeau rouge aux étoiles d'or. 46 autres fonctionnaires, dont le chef de la délégation, Chiao Kuan-hua, les y rejoindront quelques jours plus tard.

Entre-temps, le président Nixon a annoncé, le 12 octobre, qu'il se rendrait à Moscou dans la deuxième quinzaine de mai, après son déplacement à Pékin. Ni l'un ni l'autre de ces voyages, précise-t-il, n'a pour objectif d'exploiter les divergences entre les deux grands du monde communiste. Le mois suivant, Maurice Stans, secrétaire au Commerce, se rend dans la capitale soviétique pour explorer les possibilités de développement des investissements américains en URSS. C'est la première visite en Russie d'un ministre du Commerce des États-Unis depuis la fin de la guerre.

Le 22 janvier, dans son message sur l'état de l'Union, Nixon annonce aux parlementaires une augmentation des dépenses militaires, puis évoque brièvement les entretiens qu'il aura en Chine et en URSS : « Je m'y rendrai sans illusions, dit-il. Entre ces deux puissances et nous, il existe des divergences considérables. Elles continueront d'exister, mais la paix dépend de l'aptitude des grandes puissances à coexister en dépit de leurs divergences. »

Le président revient sur ces points le 9 février, lorsqu'il présente au Congrès son message annuel sur la politique étrangère des États-Unis. Ce document de 236 pages reprend les grandes lignes de la doctrine exposée depuis 1969 par Washington, selon laquelle l'établissement d'une structure de paix tenant compte des équations nouvelles doit être l'objectif prioritaire. Il est à noter que l'analyse est beaucoup plus tendre pour la Chine que pour l'URSS.

La rencontre au sommet sino-américaine est préparée avec le plus grand soin par le président et ses collaborateurs. Pendant plusieurs mois, Nixon s'est documenté sur la Chine ; le Département d'État, le Conseil national de sécurité et la CIA lui ont fourni quelque 25 kilos de dossiers ; un appel a été lancé aux personnalités qui pourraient apporter au chef de l'Exécutif des indications intéressantes sur ce pays avec lequel il va prendre contact. C'est ainsi que Richard Nixon s'entretient avec André Malraux, le 14 février, à la Maison-Blanche. Le même jour, une série de restrictions pesant sur le commerce entre les États-Unis et la Chine est levée. Cette décision place Pékin sur le même plan que Moscou et la plupart des capitales d'Europe orientale.

Nixon-Mao

Le 17 février, Nixon s'envole pour Pékin, accompagné de quelque 300 Américains, dont 87 journalistes et 68 techniciens des télécommunications. Le séjour en Chine durera du 21 au 28 février. Pendant cette semaine, les Américains vont — d'une certaine façon — vivre à l'heure de Pékin. Les trois grandes chaînes de télévision donnent à l'événement une couverture sans précédent. La presse écrite consacre des pages entières à ce régime devenu tout à coup respectable, à ses dirigeants, à la vie quotidienne de ce pays dont on parle désormais avec tant de complaisance. La Chine devient un motif de vente dans les grands magasins, un sujet d'exposition dans les musées. Elle sera mise en évidence un peu partout, et le grand public répondra avec une curiosité empressée aux multiples sollicitations. La minceur des résultats immédiats du voyage laissera pourtant l'opinion américaine un peu désabusée et pas très convaincue que « cette semaine a changé le monde » comme l'affirme Nixon.

En fait, beaucoup d'Américains s'étaient imaginé un peu confusément que les dirigeants des États-Unis et de Chine populaire allaient mettre leur rencontre à profit pour élaborer un arrangement quelconque sur le Viêt-nam. Ils devront déchanter. Certes, depuis plusieurs semaines l'Indochine a cessé de faire les gros titres des journaux, et il semble même que la guerre ne doive plus être, comme en 1968, un thème prioritaire lors de la campagne des présidentielles.

Viêt-nam

Que s'est-il passé depuis huit mois ? En juillet, ni la publication d'un plan de paix en sept points par le GRP ni la mission d'information que Kissinger a menée en Asie et dans la capitale française n'ont permis un véritable dégel des conversations de Paris.