Le jour de la Fête américaine du travail, le 6 septembre, puis le 9, dans un message au Congrès, Nixon précise que le blocage des salaires et des prix ne sera pas étendu au-delà du 13 novembre 1971. Le 7 octobre, il définit la nature de la deuxième phase de son plan de stabilisation. Le président, qui espère pouvoir compter sur la coopération bénévole des syndicats et du patronat, et dit vouloir épargner toute contrainte au pays, déclare que de nouvelles institutions auront pour but de maîtriser l'inflation : un conseil du coût de la vie, présidé par le secrétaire au Trésor, sera chargé de superviser deux autres organismes, un comité des prix (Price Commission) et un conseil des salaires (Pay Board) de quinze membres, où le gouvernement, le patronat et les travailleurs seront représentés sur un pied d'égalité.

Le Comité des prix et le Conseil des salaires, qui disposeront d'un statut semi-autonome, devront élaborer une politique d'encadrement des prix et des salaires et sévir contre les contrevenants éventuels. Les plaintes du public seront recueillies et instruites par quelque trois mille inspecteurs du ministère des Finances qui, le cas échéant, seront habilités à prendre des sanctions.

Pay Board

Nixon précise que son objectif est de ramener progressivement le taux annuel de la hausse des prix à 2 ou 3 % d'ici à l'été 1972. La Price Commission fixera d'ailleurs à 2,5 % le plafond des hausses licites. Le Pay Board, pour sa part, établit à 5,5 % le plafond des hausses de salaires. Cette fois, les réactions des milieux d'affaires sont plus mitigées qu'en août. L'inquiétude du patronat, qui redoute une compression de ses profits, se reflète à Wall Street où les cours les plus bas de l'année sont enregistrés.

Les syndicats

Pourtant, c'est l'attitude des responsables syndicaux qui préoccupe le plus le gouvernement. Certes, le nombre des conflits sociaux est en régression sensible par rapport à l'année précédente. Mais, en octobre, Nixon a été amené à invoquer pour la première fois la loi Taft-Hartley. Il demande aux instances judiciaires de faire injonction aux dockers en grève de la côte ouest et de Chicago de reprendre le travail pendant les vingt-quatre jours de négociations prévues par cette législation, très impopulaire dans le monde ouvrier.

Le 19 novembre 1971, quelques jours après l'entrée en application de la seconde phase de son plan de stabilisation, le président tente de se concilier les bonnes grâces des syndicats en se rendant à Miami au congrès de l'AFL-CIO. « Si nous travaillons de concert à dissiper nos désaccords, déclare-t-il, nous pourrons offrir à ce pays ce qu'il n'a pas connu depuis quinze ans : la prospérité en temps de paix. » Mais les réactions de l'assistance sont tièdes.

Un échec

Le 27 janvier 1972, Nixon laisse entendre, dans un message transmis au Congrès, que le dispositif de surveillance des prix et des salaires continuera à fonctionner au moins jusqu'à la fin de 1973. Le 22 mars, les trois représentants de l'AFL-CIO démissionnent du Pay Board, imités peu après par Leonard Woodcock, président de l'UAW. Seul Frank Fitzsimmons, président du syndicat des routiers, reste en place. Nixon, il est vrai, a depuis quelques mois multiplié les gestes d'amitié à l'égard des teamsters, notamment en faisant libérer leur ancien dirigeant, Jimmy Hoffa, qui, en 1967, avait été condamné à treize années de prison pour tentative de corruption de jury et fraude fiscale. En tout cas, le retrait du conseil des salaires de quatre des cinq représentants du Labor porte un coup sérieux au programme de stabilisation du président, dont les résultats, au demeurant, ont été jusqu'à présent peu convaincants.

Le taux du chômage a peu régressé : de 5,6 % en juillet, il est passé à 6 en septembre, 5,8 en octobre, 6 en novembre, 5,9 en janvier, 5,7 en février, 5,9 en mars. Il se maintiendra à ce niveau les mois suivants. La hausse des prix, après un ralentissement très net en septembre et en octobre, a atteint au cours du premier trimestre une cadence annuelle de 6,2 % contre 4,6 % pour l'ensemble de 1971 (et 4,1 % pour le semestre qui a précédé l'entrée en vigueur du plan de redressement). L'activité économique, qui s'était fortement accélérée à la fin de 1971, a donné des signes d'essoufflement à l'approche du printemps. À partir de mai, cependant, les perspectives apparaissent sensiblement plus encourageantes.

Dévaluation

Entre-temps, une autre décision historique a été annoncée par Nixon : la dévaluation du dollar. Le coup de théâtre s'est produit à la fin des entretiens que le chef de l'exécutif américain a eus aux Açores avec le président Pompidou, mais l'accord sur le réalignement a été rendu public par Nixon à l'issue de la réunion du groupe des Dix, le 18 décembre 1971 à Washington. En fait, lors de la conférence annuelle du Fonds monétaire international qui s'était terminée le 1er octobre 1971 dans la capitale fédérale, John Connally, secrétaire au Trésor, avait laissé entendre que les États-Unis seraient prêts éventuellement à abandonner le rôle du dollar comme monnaie de réserve. Le même Connally avait admis l'hypothèse d'une dévaluation lorsque les Dix s'étaient réunis à Rome les 30 novembre et 1er décembre 1971.