Organisées au cours des jours suivants par des groupes extrémistes, les tentatives d'interruption de l'activité du gouvernement et du Congrès n'auront pas la même réussite et se solderont par un nombre impressionnant d'arrestations.

À propos de ces journées anti-guerre, Richard Nixon déclare : « En tant que président, j'ai l'obligation de tenir compte de ce qu'ils disent, mais aussi de toutes les autres choses que je connais, et ensuite de prendre la décision qui, je pense, est la plus profitable à leurs intérêts aussi bien qu'à ceux de tout le peuple de ce pays. »

Pour faire connaître les grands principes de sa politique dans ce domaine, le chef de l'État multiplie les conférences de presse et les déclarations télévisées : on n'en compte pas moins de six entre le 19 février et le 29 avril. Toutes mettent l'accent d'une part sur son refus de fixer une date pour l'évacuation totale des troupes américaines tant que la question des prisonniers de guerre ne sera pas réglée, d'autre part sur la poursuite de la vietnamisation, objectif qui doit donner au gouvernement de Saigon « une chance de se défendre lui-même ».

Pour le président, il faut se garder de suivre « la route dangereuse de la paix immédiate à n'importe quel prix. » Si, selon lui, les États-Unis « devaient jeter l'éponge, ils subiraient un coup dont ils ne pourraient jamais se remettre en Europe, en Asie et au Proche-Orient » (interview du 22 mars à la chaîne de télévision ABC).

Le 7 avril, en annonçant le rapatriement de 100 000 nouveaux soldats d'ici au 1er décembre 1971, le président laisse entendre néanmoins que tout pourrait être terminé avant les élections de novembre 1972 : « Au cours de ma campagne électorale (en 1968), j'ai promis de mettre fin à l'engagement américain dans cette guerre. Je suis en train de tenir cette promesse. Je m'attends à être tenu pour responsable par le peuple américain si j'échoue. »

En juin, le New York Times, puis le Washington Post commencent la publication des extraits d'un volumineux rapport secret sur les circonstances de l'engagement américain en Indochine. Ce rapport (établi en 1967 par Mc Namara, alors secrétaire à la Défense) permet notamment de douter de la version officielle des incidents décisifs du golfe du Tonkin, les 2 et 4 août 1964. Ces révélations ne surprennent qu'à demi une opinion publique déjà passablement désabusée. Mais la guerre est ouverte entre le pouvoir exécutif et la presse. Fait sans précédent dans l'histoire des États-Unis, le ministère de la Justice oblige les deux journaux à interrompre la publication « qui porte préjudice à l'intérêt national ». Dans les jours qui suivent, une dizaine de quotidiens publient en relais les suites du rapport. Saisie de l'affaire, la cour suprême statue le 30 juin en faveur de la liberté de la presse : elle autorise le New York Times et le Washington Post à poursuivre la publication des documents du Pentagone.

Au même moment, le conflit qui oppose la Maison-Blanche aux adversaires de la poursuite de la guerre en Indochine entre dans une nouvelle phase. Pour la première fois, le Sénat fixe un délai pour le retrait des troupes du Viêt-nam (31 décembre 1971), à condition que Hanoi ait libéré tous les prisonniers US soixante jours avant cette date. La Chambre des représentants ne s'était pas encore prononcée le 30 juin.

Le 25 février, Nixon avait, pour la deuxième année consécutive, transmis au Congrès un Message sur l'état du monde. Le document de 180 pages, intitulé « la politique étrangère des États-Unis pour les années 70 », se caractérise par un durcissement très net à l'égard de l'URSS, et souligne longuement le danger que constitue la crise du Proche-Orient en raison notamment de « l'intransigeance du système soviétique ». Pour le président, c'est dans cette région que se trouve « la plus grave menace pour la paix mondiale depuis que notre gouvernement est entré en fonctions ».

Dans sa conférence de presse du 10 décembre, Nixon avait annoncé qu'il allait chercher « à ouvrir de nouvelles voles de communication avec la Chine communiste, car il est indispensable de ne pas perdre de vue le fait qu'à longue échéance il nous faudra entrer en relation avec ce pays ».

Le FBI accusé

Lundi 5 avril : le leader du parti démocrate à la Chambre des représentants, Hale Boggs, accuse le FBI (la Sûreté fédérale) de faire surveiller le téléphone de sénateurs et de députés, d'« infester » les campus universitaires d'agents de renseignements et « d'utiliser des méthodes dignes de Hitler et de Staline ». Boggs demande la démission de celui qui, depuis 1924, en est l'inamovible directeur, J. Edgar Hoover (76 ans). Les jours suivants, trois sénateurs de l'opposition, tous candidats virtuels à l'investiture démocrate pour les présidentielles de 1972, George McGovern, Birch Bayh et Edmund Muskie, passent à leur tour à l'attaque contre le policier, seul haut fonctionnaire qui ait jamais servi sous huit présidents. Le président Nixon flétrit alors l'« hystérie » des adversaires de Hoover et affirme : « Les États-Unis ne sont pas un État policier et ne le deviendront pas. » Mais un coup très dur a été porté au prestige d'un homme jusqu'ici intouchable.