Le président Nixon n'hésitera pas non plus, en février, à engager une épreuve de force avec les travailleurs du bâtiment, chez qui il peut compter pourtant quelques-uns de ses plus enthousiastes partisans. Il laisse, en effet, planer la menace d'un blocage des salaires et des prix au cas où certains règlements entre les hard hats et leurs employeurs prendraient un caractère inflationniste. De même, il lancera en avril un appel à la modération aux ouvriers de la sidérurgie.

C'est au patronat que le président doit faire entendre le langage de la raison. L'un des plus importants producteurs d'acier des États-Unis, Bethlehem Steel, ayant annoncé, en janvier 1971, une hausse de 12,5 % sur certains de ses prix, Nixon réagit sans tarder en menaçant les sidérurgistes de faciliter l'introduction sur le marché américain de leurs concurrents japonais ou européens. L'appel de la Maison-Blanche est entendu : Bethlehem Steel et les autres producteurs réduisent leurs hausses de moitié dans la semaine qui suit.

Remaniements

« Manque de confiance mutuelle » : c'est le motif invoqué par le président Nixon pour le limogeage, en novembre 1970, du secrétaire à l'Intérieur, Walter Hickel. Six mois plus tôt, le ministre, hostile à l'intervention américaine au Cambodge, avait adressé au chef de l'État une lettre dans laquelle il lui demandait de prêter plus d'attention au malaise des jeunes. La lettre avait été publiée dans la presse avant de parvenir au président. Walter Hickel est remplacé par un député républicain du Maryland, Rogers Morton.

En décembre 1970, David Kennedy quitte son poste de secrétaire au Trésor et devient ambassadeur itinérant, chargé des relations économiques internationales. Le président Nixon choisit pour lui succéder un démocrate texan de tendance conservatrice, John Connaly (l'homme qui avait été blessé à Dallas aux côtés de John Kennedy, en novembre 1963).

Chômage

Entre-temps, le chômage prend des proportions inquiétantes : son taux passe à 5,5 % en septembre, à 5,8 % en novembre, à 6,2 % en mai. Plus de 5 millions de personnes sont sans emploi. Les Noirs (10 % de chômeurs), les jeunes (17,2 %), les ouvriers non qualifiés sont les plus touchés, mais, pour la première fois, depuis la grande dépression des années 30, le sous-emploi affecte les classes moyennes. Des dizaines de milliers de cadres se retrouvent sans travail, en particulier dans les secteurs les plus malades, comme celui de l'aéronautique.

C'est sur ces deux derniers points — appels à la modération des salariés et développement du chômage — que George Meany, président de la grande centrale syndicale AFL-CIO (13 millions d'adhérents), va, à plusieurs reprises, engager le fer avec le gouvernement.

Attaquant avec violence l'incapacité de l'exécutif « à présenter un programme cohérent qui répondrait aux besoins actuels » et soulignant que le nombre des chômeurs a augmenté de 2 millions depuis l'arrivée des républicains au pouvoir en 1969, Meany affirme que les salariés n'ont pas été les bénéficiaires, mais les victimes de l'inflation. Les statistiques semblent, il est vrai, lui donner raison : pour l'ensemble de l'année 1970, la hausse du coût de la vie a atteint 5,5 % (contre 6,1 % en 1969). Le salaire hebdomadaire moyen n'ayant progressé que de 4,1 %, le pouvoir d'achat de ce salaire a donc diminué de 1,5 %. Le produit national brut, calculé à prix constants, a, pour sa part, diminué de 0,4 %. Pour rétablir le plein emploi, Nixon propose, en janvier, un budget expansionniste, dont le déficit s'élève à près de 12 milliards de dollars. Il réaffirme son hostilité à tout contrôle des prix et des salaires et souligne devant le Congrès que la progression des prix de gros a pu être diminuée de moitié, que la production industrielle, après s'être stabilisée, augmente.

En diverses occasions, et notamment en avril devant la Chambre de commerce des États-Unis, le président affirmera que l'économie de l'Amérique est en vole de « retrouver sa santé » en 1971. La plus grande irrégularité continue cependant à prévaloir dans ce domaine. Deux éléments sont néanmoins mis en avant par les tenants de l'optimisme, en dépit de l'anémie patente du dollar : la baisse continue des taux d'intérêt, qui a notamment provoqué une augmentation de 40 % des mises en chantier de logements nouveaux, et la hausse de la Bourse. La remontée de Wall Street, où les cours étalent tombés à leur point le plus bas en mai 1970, est due à une forte demande des sociétés d'investissements, des caisses de retraite et des compagnies d'assurance.

Protectionnisme

L'année écoulée est marquée également, en matière d'économie, par le retour de certains milieux à une politique de type protectionniste. En juillet, la commission dite des Ways and Means (voies et moyens) de la Chambre des représentants adopte un texte établissant des quotas sur l'importation des chaussures et de certains textiles, et prévoyant la limitation quasi automatique des importations quand celles-ci représentent plus de 15 % du marché intérieur. De longs mois seront nécessaires avant que ce texte se traduise éventuellement par une loi, mais la réaction de l'Administration est immédiate : le président Nixon exprime sa « profonde préoccupation ». Le secrétaire d'État William Rogers déclare qu'une législation protectionniste « créerait des problèmes très sérieux pour le commerce international ». Le ministre entend rappeler ainsi que le gouvernement fédéral s'est montré favorable depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à la libéralisation des échanges dans le monde. Or, la décision de la commission est d'un esprit tout à fait contraire. Elle ouvre la vole à des revendications de toutes les industries américaines qui subissent les effets de la concurrence extérieure. Elle n'est pas non plus de nature à améliorer les relations entre les USA et les six pays du Marché commun.