Au début de l'été, le président Nixon a réaffirmé sa volonté de gagner enfin la bataille contre l'inflation et souligné l'inutilité, à ses yeux, d'établir un contrôle des salaires et des prix. Sa sérénité semble justifiée par un certain nombre de statistiques encourageantes : l'indice de la production industrielle s'est relevé légèrement, même s'il reste en retrait par rapport à l'année précédente ; les revenus des particuliers ont progressé au cours du deuxième trimestre de 1970 ; les bénéfices des sociétés ont cessé de diminuer ; la détente sur les prix est réelle : la moyenne de hausse n'a pas dépassé 3,5 % (taux annuel) pour les mois de juin à août, contre 6 % pour le trimestre antérieur.

Le taux de chômage, en revanche, ne régresse pas : de 4,7 % en juin, il passe à 5 % en juillet, puis à 5,1 % en août. C'est son plus haut niveau depuis six ans.

13 % de « pauvres »

3 944 dollars : c'est le revenu annuel au-dessous duquel une famille de quatre personnes est considérée comme pauvre à la fin de 1970. Le nombre des pauvres atteignait à cette date 25 millions et demi de personnes (13 % de la population), soit 1 200 000 de plus qu'en 1969. Au milieu de la décennie antérieure, la proportion des Américains pauvres était évaluée à 22 %. L'augmentation du nombre des économiquement faibles, entre 1969 et 1970, est la première enregistrée depuis dix ans.

Grèves

À l'approche de l'automne, l'économie balance toujours entre la récession et l'inflation. C'est en cette période délicate qu'éclate, le 15 septembre, la grève des 350 000 travailleurs de la General Motors. Les négociations pour le renouvellement de la convention collective qui se poursuivaient depuis plusieurs semaines entre les responsables syndicaux et les représentants des constructeurs de Détroit ont échoué : des quatre grands, c'est la GM qui est choisie pour cible par l'United Automobile Workers. Leonard Woodcock (59 ans), qui a succédé quatre mois plus tôt à Walter Reuther (tué dans un accident d'avion) à la tête de l'UAW, revendique une hausse moyenne des salaires de l'ordre de 19 %. On ne lui propose que 9,8 %, plus 2 % pour chacune des deux années suivantes.

Finalement, après un arrêt de travail de cinquante-neuf jours, les deux parties tombent d'accord sur une augmentation de 30 % en trois ans, l'indexation sur le coût de la vie avec suppression du plafond, une retraite mensuelle de 500 dollars et l'abaissement de l'âge de la retraite à cinquante-six ans, après trente ans de travail.

C'est un succès considérable pour l'UAW, la force la plus dynamique du mouvement ouvrier américain, et pour son nouveau secrétaire général. La General Motors (sur qui les autres constructeurs devront peu à peu s'aligner) évalue à 3,7 milliards de dollars supplémentaires le coût des avantages acquis par son personnel dans la nouvelle convention.

Les conséquences de ce long arrêt de travail ne tarderont pas à se faire sentir dans d'importants secteurs de l'économie : GM, en effet, fabrique près de la moitié des véhicules, consomme plus de 10 % du fer et de l'acier et près du quart des pneumatiques produits aux États-Unis. La grève pèse donc lourdement sur les statistiques de la production industrielle : celle-ci baisse de 2,3 % en octobre. C'est la plus forte chute enregistrée depuis août 1959.

Nous sommes au beau milieu de la campagne électorale et le président Nixon s'est bien gardé d'intervenir dans le conflit. L'un de ses principaux objectifs est, en effet, de détacher du parti démocrate les éléments les plus favorisés des milieux ouvriers, de se concilier leurs faveurs et de faciliter leur intégration dans la majorité silencieuse que constituent les classes moyennes avides de loi et d'ordre.

En septembre, cependant, le chef de la Maison-Blanche a été amené à suspendre pour une durée de deux mois l'ordre de grève générale lancé par les travailleurs des chemins de fer. Les 500 000 cheminots, qui réclament une hausse de salaire de 37 % en trois ans, repasseront à l'offensive en décembre, mais leur arrêt de travail ne durera que vingt-quatre heures, le Congrès ayant imposé aux employeurs une augmentation provisoire de 13,5 %. Une décision comparable sera prise en mai par le Parlement, pour mettre fin à la grève des aiguilleurs et signaleurs qui paralysait l'ensemble du trafic. Le déclin de l'industrie ferroviaire est tel que la prise en charge des chemins de fer par le gouvernement est de plus en plus souvent envisagée.