Cette intervention dramatique, annoncée solennellement par le président Nixon, et le coup d'État anticommuniste de Phnom-Penh qui l'a précédée, ont été deux occasions inespérées pour les Chinois, qui ont réussi, grâce à elles, leur plus beau redressement diplomatique de l'année : Pékin est devenu le puissant voisin protecteur des quatre gouvernements révolutionnaires d'Indochine poussés par les circonstances à se coaliser contre les Américains (Nord Viêt-nam, Pathet-Lao, GRP du Sud Viêt-nam et gouvernement kmer en exil formé par le prince Norodom Sihanouk, réfugié à Pékin). Les 24 et 25 avril, leurs chefs se réunissent en conférence, sur le sol chinois, près de Canton, où le Premier ministre Chou En-laï vient, tout exprès, les saluer à l'issue d'un banquet et les assurer que « le peuple chinois combattra avec eux et remportera avec eux la victoire ».

Au point, que, sentant fondre leur influence, les Soviétiques se précipitèrent à Pékin pour conclure un accord en vue de coordonner une aide commune à l'Indochine en son ensemble, puisque désormais on ne parle plus du seul Viêt-nam.

D'autre part, le 20 avril, la Chine renouvelle l'accord commercial annuel sino-japonais, tout en obligeant, comme d'habitude, les négociateurs nippons à désavouer, par écrit, leur gouvernement. Car, tout en augmentant régulièrement le volume de ses transactions avec Tokyo, Pékin dénonce, à longueur d'année, la collusion nippo-soviéto-américaine et les appétits des militaristes japonais qui cherchent à s'opposer à la libération de Formose.

Autre offensive diplomatique en direction des pays arabes, où chaque occasion est bonne pour Pékin d'essayer de supplanter Moscou. Notamment auprès de Nasser, lorsque les livraisons d'armes soviétiques se font attendre, auprès des pays de la péninsule Arabique, en proie à des secousses politiques, et auprès des Palestiniens, auxquels sont fournis armes et petits livres rouges.

Otage pendant vingt-six mois

Au début d'octobre 1969, le journaliste britannique Anthony Grey est brusquement libéré après vingt-six mois de résidence surveillée. En fait, il a dû subir une détention très dure, sous la surveillance de Gardes rouges, dans une pièce de 8 m2. Son seul lien avec le monde : une lettre par mois reçue de sa famille.

Il n'est arrivé à Pékin que depuis quatre mois lorsque les Chinois l'arrêtent, le 21 juillet 1967, en représailles aux « persécutions illégales » dont viennent d'être victimes, de la part des autorités britanniques de Hong-Kong, des journalistes chinois, agitateurs politiques. Au lendemain même de la libération du dernier d'entre eux, Anthony Grey est à son tour libéré et il publie le récit de sa détention dans les journaux du monde occidental.

Après lui, d'autres Britanniques sont libérés, dont deux journalistes : Norman Barrymaine et Eric Gordon, détenu au secret, avec sa femme et son fils de douze ans, depuis novembre 1967.

En février 1970 est expulsé William Mac Dain (soixante-dix-huit ans), arrêté quatre mois plus tôt à Shanghai avec une autre septuagénaire, Constance Martin.

Le Foreign Office tient régulièrement à jour la liste des Britanniques détenus dont on n'a aucunes nouvelles. Fin mars 1970, ils étaient encore huit.

En octobre 1969 est brusquement libéré, avec sa femme chinoise qu'il avait épousée en 1966, un Suisse tessinois, Alfredo Knochel, arrêté sans explications, deux ans plus tôt, alors qu'il s'apprêtait à prendre l'avion pour rentrer chez lui, à l'expiration de son contrat.

En même temps sont expulsés sept Allemands de l'Ouest (dont une femme et deux enfants) employés d'une entreprise allemande. Un huitième, condamné à dix ans de prison pour espionnage, reste détenu.

Avant la fin de l'année, des Japonais sont aussi libérés et expulsés : cinq hommes d'affaires, en résidence forcée dans leur hôtel depuis juillet 1967, et un journaliste, au secret depuis dix-huit mois. Tous « ont reconnu leurs fautes ».

Les journalistes communistes eux-mêmes ne sont pas à l'abri de la méfiance chinoise : au lendemain du premier de l'an 1970, deux reporters européens (un Polonais et un Hongrois) ont été détenus pendant six heures pour s'être promenés dans une zone interdite.