Performance remarquable : vingt ans seulement après la naissance de la république, en 1949, dans un pays ravagé par les guerres, les invasions, les révolutions et où tout était à faire pour le sortir du Moyen Age, un an après les trois longues années chaotiques de la Révolution culturelle, la Chine communiste démontre la rapidité de sa capacité de redressement. Après les explosions précédentes de bombes A et H, elle laisse entendre aussi qu'elle possédera très vite les fusées d'attaque et de riposte dont ses deux rivaux, États-Unis et URSS, doivent tenir compte. Au point d'en modifier leur diplomatie entre eux et vis-à-vis d'elle.

Son premier satellite reclasse donc la Chine communiste au rang de troisième super-grand et lui permet une rentrée sur la scène internationale hors de proportions avec sa capacité économique, encore médiocre par rapport à ses dimensions. C'est pourquoi, avant même le lancement, elle déploie une offensive diplomatique tous azimuts.

De la bombe aux missiles

16-X-1964 : 1re bombe A, un peu plus puissante que celle d'Hiroshima.

14-V-1965 : 2e bombe A.

17-VI-1967 : 1re bombe H.

27-XII-1968 : 2e bombe H, lancée pour le soixante-quinzième anniversaire de Mao Tsé-toung.

23-IX-1969 : 1er essai nucléaire souterrain.

29-IX-1969 : 3e bombe H (3 mégatonnes, comme les précédentes, sans doute).

24-IV-1970 : 1er satellite terrestre.

Ce calendrier, auquel s'ajoutent d'autres données (notamment le tir d'essai, dès le 2 octobre 1966, d'un missile guidé à tête nucléaire), permet de penser que l'avenir est très proche où la Chine disposera de fusées capables d'atteindre l'URSS évidemment, les pays du Pacifique et même les États-Unis.

N° 9 du club spatial

Avant la Chine, huit pays ont déjà mis un satellite sur orbite terrestre : URSS (1957), États-Unis (1958), Grande-Bretagne (1962), Canada (1962), Italie (1964), France (1965), Allemagne de l'Ouest (1969), Japon (1970).

N° 5 des cavaliers seuls. Sur ces huit seulement quatre ont réussi par leurs propres moyens, sans l'aide de fusées étrangères (américaines) : URSS, États-Unis, France et Japon. En réalité, la Chine est donc le n° 5 du club spatial si l'on se réfère au calendrier.

N° 3 par la puissance. En fait, elle est le n° 3, derrière l'URSS et les États-Unis, car d'entrée de jeu elle a prouvé qu'elle était largement en avance sur les deux autres ; pour lancer 173 kg, elle a utilisé une fusée deux fois plus puissante que la dernière Diamant française. Quant au Japon, son satellite Osumi, lancé en janvier 1970, ne pèse que 23 kg. Étant donné le rythme du progrès scientifique en Chine, cette avance risque de n'être jamais rattrapée. Même par le Japon.

Avec l'URSS et les USA

Le 1er octobre 1969, jour de la fête nationale et 20e anniversaire de la République, l'idée d'une certaine coexistence pacifique est relancée par Lin-Piao et Chou En-lai, qui, quelques jours plus tard, fait allusion au « rétablissement de la Chine dans ses droits légitimes aux Nations unies ».

Avec l'URSS se poursuivent les négociations sur les frontières amorcées quelques mois plus tôt. En septembre, le président Kossyguine vient même à Pékin et, bientôt, les troupes soviétiques et chinoises se retirent à 75 km à l'intérieur des terres au Kazakhstan et au Sinkiang. Ce qui n'empêche pas les Chinois de déménager clandestinement au Tibet une partie de leurs installations atomiques du Sinkiang.

D'ailleurs, quelques nuages passent entre Moscou et Pékin lorsque Mao, jouant la bascule diplomatique entre la Maison-Blanche et le Kremlin irrité, saisit la perche tendue par les Américains et décide de reprendre les conversations de Varsovie entre son chargé d'affaires et l'ambassadeur de Washington. Commencées en 1955 à Genève et poursuivies, à partir de 1958, dans la capitale polonaise, ces conversations sont interrompues depuis janvier 1968. Or, coup sur coup, le 20 janvier 1970 et le 20 février, ont eu lieu les 135e et 136e rencontres, bien qu'un avion espion américain ait été abattu au-dessus de la Chine, en février.

Seulement, quand les forces américaines entrent au Cambodge, au début de mai 1970, Pékin décide brusquement d'interrompre les conversations.