Cette prise de position en faveur des petits et moyens exploitants et des régions déshéritées, développée au congrès de la FNSEA à Toulouse, suscite un rapprochement du syndicalisme agricole avec le Comité de Guéret, animé par Roland Viel et de tendance socialiste. Elle amène également le Modef, qui tient son 2e congrès national à Saint-Ouen les 9 et 10 mars, à proposer une action commune avec la FNSEA. Cette dernière estime que le Modef, noyauté par des militants communistes, est trop politisé et ne donne pas suite à cette proposition.

Sur la droite, la paysannerie est également sollicitée par divers mouvements de tendance extrémiste qui se regroupent, sous le patronage de Henri Dorgères et sous la présidence de Me Noilhan, en une Union des syndicats paysans, dont l'objectif est la défense de l'exploitation familiale classique.

La médiocrité de l'expansion économique générale ne facilite pas le reclassement des surplus de main-d'œuvre paysanne. Edgar Faure s'appuie sur cette conjoncture pour essayer de rassurer les populations rurales. Il charge, en même temps, un groupe d'experts, la Commission Vedel, d'explorer l'avenir.

Edgar Faure

Edgar Faure, ancien président du Conseil et ancien ministre des Finances et de la Justice, succède, en janvier 1966, à Edgard Pisani à l'Agriculture, où ce dernier avait bousculé les traditions. E. Faure a toujours témoigné une grande attention aux questions agricoles ; ministre de l'Agriculture, il a porté ses efforts sur trois points : doter la politique de son devancier des moyens indispensables à son accomplissement, rassurer l'opinion agricole, obtenir à Bruxelles les règlements européens les plus favorables à la France. Homme de conciliation et de compromis, E. Faure a dû, en cette matière, dépasser ses talents. Représentant de la France au Conseil des Six, il en assumait aussi la présidence. Deux lignes de force ont canalisé sa gestion : tenter de mettre en place une politique de l'élevage, prise en considération de l'importance des industries agricoles et alimentaires.

Sicco Mansholt

Sicco Mansholt, vice-président de la Commission européenne, joint à ses talents de négociateur un rare don des langues étrangères. Il est l'un des plus anciens familiers du tapis vert de Bruxelles, après avoir été colon en Indonésie et ministre de l'Agriculture aux Pays-Bas. Mansholt est un fervent de l'Europe, une Europe qui, dans son esprit, englobe la Grande-Bretagne. C'est là un des points essentiels qui le sépare des positions françaises. Il est l'homme des plans agricoles plan Mansholt pour l'établissement d'un Marché commun agricole en 1953, plan Mansholt pour la fixation des prix des céréales en 1964, plan Mansholt pour résoudre le problème des excédents laitiers en 1968. Ce dernier plan a terni l'image que les agriculteurs français se faisaient de lui. En demandant aux ministres de réduire le prix du lait, il avait pris le risque de l'impopularité.

Michel Debatisse

Des montagnards, Michel Debatisse a l'opiniâtreté et la combativité ; de l'agriculteur, le sens du concret ; de la nouvelle génération paysanne (dont il est le chef de file), le souci du dialogue avec les autres milieux sociaux. Pour Debatisse, secrétaire général de la FNSEA depuis janvier 1968, l'aventure des paysans de notre époque est de réussir leur intégration dans la société moderne ; autrement dit, d'admettre qu'un petit nombre suffira à produire l'alimentation de demain. Si cette tâche nécessite un effort collectif des paysans eux-mêmes, la société doit aider les agriculteurs à réussir cette mutation, en accueillant les travailleurs des champs en surnombre et en aidant ceux qui restent à la terre à se mettre à un rythme moderne. Debatisse avait déjà mis cette politique en pratique au sein du CNJA, dont il avait fait le fer de lance de la réforme des structures.

Les ordonnances agricoles

Des huit ordonnances relatives à l'agriculture promulguées dans le cadre des pouvoirs spéciaux, la plus importante introduit une réforme des coopératives.

L'objectif poursuivi est de faciliter la modernisation de la gestion des coopératives et de rapprocher le statut français de la coopérative de la réglementation européenne.