Dans le domaine des hélicoptères, la coopération franco-britannique s'est poursuivie avec succès. L'hélicoptère de manœuvre SA-330 est fabriqué maintenant en série par Sud-Aviation et Westland, tandis que le petit SA-340, successeur de l'Alouette 2, a commencé ses essais le 17 avril 1968. D'une conception ultra-moderne, il bénéficie d'un niveau de performances élevé, et doit permettre à Sud-Aviation de garder sa très forte position dans le domaine des hélicoptères de petit tonnage.

Les quatre avions ADAC (atterrissage et décollage courts) de présérie Breguet 941 ont volé, et confirmé les prévisions des ingénieurs. Des compagnies américaines ont commencé à s'intéresser de plus près à cet avion, capable de résoudre leurs problèmes de liaison intervilles.

Dans le domaine des engins et de l'espace, une étape essentielle a été d'abord franchie avec les premiers essais sur grande distance, à partir des Landes, des engins bi-étages de la force nationale de dissuasion : SSBS (sol-sol balistique stratégique) et MSBS (mer-sol balistique stratégique), destinés, le premier à équiper les silos du Var, le second à constituer l'armement nucléaire des 4 ou plus probablement 5 sous-marins lance-engins, dont le Redoutable est le prototype.

La préétude d'un engin beaucoup plus important, capable de satisfaire au concept de la « défense tous azimuths », a été abordée : il s'agit du SSLP (sol-sol longue portée), qui entraînera la réalisation d'un système de guidage beaucoup plus précis que celui qui est actuellement utilisé. Des lance-satellites de capacité moyenne pourraient en être dérivés.

Le refus de « Coralie »

Le Centre national d'études spatiales, de son côté, a lancé le programme de Diamant-B, dérivé directement de Diamant-A et qui doit être lancé en Guyane en 1969. La construction du Centre spatial guyanais (CSG) est achevée pour l'essentiel ; un premier tir de fusée-sonde Véronique a eu lieu en avril, et le centre doit être inauguré en automne.

Le programme Eole (sondage de l'atmosphère par des ballons-sondes émettant des informations recueillies par des satellites spéciaux) a progressé sur le plan technique, ainsi que la préparation du satellite scientifique D-2. Enfin, la coopération franco-soviétique (projet Roseau, et fusées-sondes) s'est amplifiée, tandis que le programme du satellite de télécommunication et télévision franco-allemand Symphonie s'amorçait avec les premiers appels d'offres aux industriels.

Par contre, l'étage français Coralie de la fusée Europa a refusé de fonctionner à deux reprises : ce programme a été repris en main par la SEREB, et la fusée Europa 2 doit être prête en 1971-72, afin de lancer le satellite Symphonie. La décision britannique de ne pas participer, au-delà de cette date, au programme de la fusée Europa a cependant soulevé de vives inquiétudes, et la publication du rapport Causse (demandé par la Conférence spatiale européenne), qui avait élaboré un plan de dix ans pour l'Europe spatiale, ne suffit pas à les apaiser.

La 4e place

Ainsi la période 1967-68 a-t-elle été marquée par un quasi statu quo en ce qui concerne la restructuration de l'industrie aérospatiale française, par le développement très large de la coopération franco-britannique dans le domaine aéronautique, et par la mise en activité du centre spatial guyanais.

Une ombre subsiste dans ce tableau positif : des inquiétudes fort précises dans le domaine du plan de charge de l'industrie, qui est loin d'être correctement assuré pour 1969. Ses effectifs retomberont probablement en dessous des 100 000 personnes (101 000 en 1967), mais elle gardera facilement la 4e place, qui est la sienne derrière les États-Unis, l'URSS et la Grande-Bretagne.

Construction navale

Amélioration dans le domaine du gros tonnage

Événement majeur de l'année dans le monde maritime, la fermeture du canal de Suez a agi sur la construction navale française comme un révélateur, faisant apparaître simultanément les progrès réalisés et les faiblesses persistantes.

La décision égyptienne a provoqué dans le monde une vague de commandes de pétroliers géants de la classe des 200 000 t, plus rentables pour les longs itinéraires. Grâce aux investissements de ces dernières années (et à ceux en cours de réalisation), l'industrie navale française a pu participer à cette reprise du marché. Le carnet de commandes des constructeurs français s'est trouvé fort bien garni, atteignant 2 658 000 t de jauge brute au 1er janvier 1968, contre 2 130 000 fin juin 1967.

Âpreté de la concurrence

Ce niveau, jamais atteint, rend à la France la position qu'elle occupait dans le monde il y a une dizaine d'années, soit environ 6 % des commandes mondiales, et la hausse à la quatrième place, derrière le Japon, la Suède et l'Allemagne. Sur le plan de la production, elle était cinquième en 1967, avec 527 143 t de jauge brute, soit 3,4 % du tonnage mondial, contre 3,1 % en 1966.