Le 19 juillet, 5 000 agriculteurs réunis au chef-lieu de la Creuse par le Comité de Guéret décident d'organiser des barrages de routes pour le 12 octobre. La FNSEA lance un appel au gouvernement pour qu'il prenne des mesures immédiates. 6 000 éleveurs normands applaudissent à Domfront (Orne) le 22 juillet Bernard Lambert, secrétaire général de la Fédération agricole de l'Ouest, qui veut s'affirmer comme le porte-parole des régions déshéritées.

Les régions pauvres

Edgar Faure peut encore se rendre à Rennes le 28 juillet. Il annonce « un tour de France » des régions pauvres. Le périple comportera, en fait, une seule étape, Rodez, le 6 septembre.

Les mesures annoncées par le ministre de l'Agriculture (davantage de crédits pour la modernisation des bâtiments d'élevage, hausse du prix de soutien du bœuf) sont insuffisantes. 10 000 agriculteurs de la région Rhône-Alpes défilent à Bourg-en-Bresse le 31 août.

Le malaise s'aggrave durant l'été avec l'annonce de la réforme des coopératives par Michel Debré sans consultation véritable de la profession. Les rapports entre Edgar Faure et Michel Debré se tendent.

Le 14 septembre, devant le Conseil national de la FNSEA, Michel Debatisse, secrétaire général adjoint, fait une analyse sévère. « On ne guérit pas la tuberculose avec des cachets d'aspirine », dit-il.

Violence exceptionnelle

Une journée nationale d'action est décidée pour le 2 octobre. Elle devra être « vigoureuse », demande la FNSEA. Elle atteint, en fait, une violence exceptionnelle, notamment dans l'Ouest : 200 blessés à Quimper, parmi les agriculteurs, dont un jeune, Victor Talbourdet échappe de peu à la mort, et parmi les policiers ; 20 blessés à Redon, une dizaine à Caen, autant à Tarbes, une quinzaine à Pau.

Dans toute la France, des meetings, des défilés auxquels participent un grand nombre d'agriculteurs. Toutes les organisations professionnelles font chorus. Le président de la République s'émeut de la situation. Il adresse, par la voix de G. Gorse, ministre de l'Information, des remontrances qui « stupéfient » les dirigeants professionnels : « Il vaudrait mieux sans doute, fait-il savoir, que les associations agricoles s'associent aux efforts (du gouvernement) plutôt que de les contrarier. »

La motion de censure de l'opposition s'enrichit du même coup d'un chapitre agricole. Des questions sont déposées à l'Assemblée par des représentants de tous les groupes. Le chef de l'État réunit à l'Élysée, le 3 octobre, un conseil qui décide de retarder le déblocage des vins d'Algérie et accorde à Edgar Faure une marge de manœuvre pour négocier à Bruxelles un relèvement du prix du bœuf.

Consciente des risques que comporterait une relance de l'agitation, tout en assumant la responsabilité du 2 octobre, la FNSEA demande à ses adhérents de ne pas s'associer aux barrages de routes du 12 octobre, organisés par les mouvements paysans de gauche : Comité de Guéret et Modef (Mouvement de défense et de coordination des exploitations familiales), dans le Centre, l'Auvergne et le Sud-Ouest. Ceux-ci se déroulent sans incidents graves.

Le climat reste tendu en Bretagne après l'arrestation à Rennes d'un dirigeant syndical, Michel, auteur d'un sabotage sur la voie ferrée. À Aurillac, G. Pompidou lance un appel aux agriculteurs et souligne que l'État reste disposé à aider l'agriculture : le Premier ministre avance le chiffre de 12,3 milliards de francs inscrits à cet effet dans le budget.

Extrême dureté

À l'Assemblée, le gouvernement doit faire face aux banderilles des députés, qui rejettent par 241 voix contre 239 l'application de la TVA à l'agriculture, après avoir entendu critiquer le projet gouvernemental par Giscard d'Estaing, président de la commission des Finances. La majoration de la cotisation vieillesse des exploitants est également rejetée par 241 voix contre 241. Pour relativiser le mécontentement paysan, Edgar Faure explique aux députés que la réduction à 1 400 000, ou même à 900 000, du nombre des exploitations d'ici à 1985 ne suffira pas à donner la parité aux paysans.