algèbre

(latin médiéval algebra, de l'arabe al-djabr, réduction)

François Viète
François Viète

Branche des mathématiques qui, dans sa partie classique, se consacre à la résolution par des formules explicites des équations algébriques et, dans sa partie moderne, étudie des structures (groupes, anneaux, corps, idéaux) et se prolonge par les algèbres linéaire et multilinéaire et par l'algèbre topologique.

Même si la discipline est des plus anciennes, le mot algèbre ne remonterait qu'au ixe s., venant du terme arabe al-djabr. Utilisé dans un traité du mathématicien al-Khārezmī, ce mot désigne un procédé de calcul consistant à ajouter un même nombre aux deux membres d'une égalité. Née de procédés parmi les plus simples, l'algèbre s'est par la suite complexifiée, en irriguant toutes les branches des mathématiques. Qui plus est, l'étude des structures algébriques a permis d'organiser les divers objets mathématiques et de structurer leurs ensembles.

Objets d'étude et différentes branches

L'algèbre a connu deux tendances successives : l'époque classique, puis celle dite « moderne ». L'algèbre classique trouve son origine dans le calcul numérique, généralisation de l'arithmétique. Consacrée à la résolution des équations algébriques, elle s'attache à l'étude des opérations et de leurs propriétés. Grâce à la géométrie, elle continuera à s'abstraire de l'aspect numérique avec la notion d'espace vectoriel.

L'algèbre moderne se constitue avec, à la base, la théorie des ensembles, considérés en fonction des lois de composition définies sur eux, et l'émergence des structures algébriques (groupe, anneau, etc.), qui seront étudiées indépendamment de leurs réalisations concrètes. La recherche des structures devient une des préoccupations premières de l'algèbre : en donnant la possibilité de se dégager des cas particuliers, les structures permettent de résoudre les grandes familles de problèmes. Il devient ainsi possible de construire l'algèbre à partir d'un petit nombre de propriétés, transportables à l'intérieur d'une même structure, sans qu'il soit besoin de les redémontrer. L'algèbre moderne se prolonge par les algèbres linéaire et multilinéaire, avec la structure fondamentale d'espace vectoriel, et par l'algèbre topologique (espaces normés, espaces vectoriels topologiques, etc.).

L'histoire de l'algèbre

De l'Antiquité au xviiie s.

L'algèbre existe, dès le IIe millénaire avant notre ère, chez les Babyloniens, ou, vers les iiie-ive s. après J.-C., avec Diophante, qui développe la notion d'inconnue et propose des calculs avec des nombres rationnels positifs. Cependant, cette influence ne se fera sentir en Occident qu'à partir du xvie s., après avoir transité par l'Inde et les pays d'islam. Tartaglia et J. Cardan résolvent des équations des troisième et quatrième degrés, tandis que R. Bombelli crée une première forme de nombres complexes. F. Viète fonde le calcul littéral en introduisant la représentation symbolique des grandeurs par des lettres.

En 1637, Descartes applique ce calcul à des problèmes géométriques, créant ainsi la géométrie analytique ; il énonce le principe selon lequel une équation algébrique a autant de racines que son degré a d'unités. D'Alembert précise ces notions nouvelles dans son « théorème fondamental de l'algèbre » (1746). Gauss, sur une idée de ce dernier, en donne la première démonstration complète (1799).

xixe et xxe s.

Avec W. R. Hamilton apparaît, en 1843, une première algèbre non commutative, fondée sur les quaternions. La théorie des nombres conduit l'algèbre à des conceptions nouvelles. La notion de groupe, due à É. Galois (1830), prend une extension considérable avec les travaux de C. Jordan, tandis que F. Klein et S. Lie la généralisent. E. Kummer aboutit à la notion nouvelle de nombre idéal, qui sera clarifiée et systématisée par Dedekind (1871). Vers la fin du xixe s., ces travaux mèneront à la théorie des corps des nombres algébriques de Hilbert.

Le concept d'espace vectoriel se rattache pour sa part aux travaux de Hamilton, Möbius ou Grassmann. Les déterminants, connus depuis le xviiie s. dans l'œuvre de G. Cramer, ne deviennent d'un usage courant qu'avec C. Jacobi (1841). A. Cayley, parmi d'autres, développe la théorie des invariants et fonde en 1858 le calcul matriciel. Tous les domaines des mathématiques (géométrie, théorie des fonctions, logique, etc.) se trouvent envahis par les procédés algébriques.

Ainsi, l'algèbre de la logique, créée simultanément par G. Boole et A. De Morgan en 1847, repose sur l'idée que des formules algébriques peuvent exprimer des relations logiques entre des concepts : à la disjonction et à la conjonction de concepts correspondent respectivement l'addition et la multiplication des nombres.

Après Dedekind et Hilbert, la tendance du xxe s. sera à l'axiomatisation progressive de l'algèbre, due, notamment, à E. Artin et E. Noether. L'algèbre abstraite contemporaine apparaît, dont les publications du groupe Bourbaki sont, depuis 1939, un des exemples. (→ calcul, géométrie, mathématiques, nombre, structure.)

Carl Friedrich Gauss
Carl Friedrich Gauss
Christian Felix Klein
Christian Felix Klein
David Hilbert
David Hilbert
Ernst Eduard Kummer
Ernst Eduard Kummer
Évariste Galois
Évariste Galois
François Viète
François Viète
Jean Le Rond d'Alembert
Jean Le Rond d'Alembert
William Rowan Hamilton
William Rowan Hamilton
Voir plus
  • 2250 avant J.-C. À Babylone, résolution empirique de quelques problèmes d'algèbre et première mention de ce qui deviendra le théorème de Pythagore.
  • IIIe s. Diophante, mathématicien de l'école d'Alexandrie : algèbre.
  • 260 En Chine, Liu Hui résout des systèmes d'équations ; il trouve pi = 3,14159.
  • 628 Traité d'astronomie du savant indien Brahmagupta, qui, le premier, utilise les nombres négatifs.
  • IXe s. Le mathématicien arabe al-Kharezmi (dont le nom a donné le terme « algorithme ») fonde l'algèbre.
  • vers 1047 - vers 1122 Vie du philosophe, poète et mathématicien persan Umar Khayyam, qui perfectionne l'algèbre (classification et résolution des équations du deuxième et du troisième degré) et réforme le calendrier (1079).
  • 1202 Liber abbaci (Livre de l'abaque), du mathématicien italien Leonardo Fibonacci (Léonard de Pise) : arithmétique (suite de Fibonacci), algèbre.
  • vers 1484 Triparty en la science des nombres, traité d'algèbre du mathématicien français Nicolas Chuquet (utilisation des exposants négatifs ; correspondance entre la progression arithmétique des exposants et la progression géométrique des puissances).
  • 1494 Summa de arithmetica…, traité de mathématiques de l'Italien Luca Pacioli (équations du second degré).
  • vers 1500 Découverte de la résolution de l'équation du troisième degré sous la forme réduite x3 + px + q = 0, par l'Italien Scipione Dal Ferro.
  • 1546 Théorie des équations du troisième degré par l'Italien Tartaglia.
  • 1591 Le Français Viète introduit l'usage des lettres en algèbre.
  • 1734 Introduction de la notion d'équation aux dérivées partielles par le Suisse L. Euler.
  • 1750 Introduction à l'analyse des lignes courbes algébriques du Suisse Gabriel Cramer.
  • 1772 Le Français Vandermonde développe l'étude des déterminants.
  • 1812 Publication de la Théorie analytique des probabilités, de Laplace.
  • 1824 Le Norvégien N. Abel démontre l'impossibilité de résolution par radicaux de l'équation générale du 5e degré.
  • 1843 Le Britannique W. R. Hamilton établit, en algèbre, la théorie des quaternions.
  • 1844 L'Allemand E. E. Kummer crée la théorie des nombres idéaux pour étendre les concepts de l'arithmétique à l'étude des nombres algébriques.
  • 1851 B. Riemann développe la théorie des fonctions d'une variable complexe.
  • 1854 Géométrie non-euclidienne de B. Riemann.
  • 1858 Le Britannique A. Cayley perfectionne le calcul matriciel.
  • 1871 L'Allemand R. Dedekind crée, en algèbre, la théorie des idéaux.
  • 1874 L'Allemand G. Cantor crée la théorie des ensembles.
  • 1881 H. Poincaré découvre une méthode générale de résolution des équations différentielles.
  • 1882 G. Cantor introduit les nombres transfinis.
  • 1895 Début des travaux de topologie de H. Poincaré.
  • 1897 Théorie des corps de nombres algébriques de l'Allemand D. Hilbert.
  • 1908 Axiomatisation de la théorie des ensembles par l'Allemand E. Zermelo.
  • 1922 L'Israélien (d'origine allemande) A. Fraenkel poursuit l'axiomatisation de la théorie des ensembles entreprise en 1908 par E. Zermelo.
  • 1939 Début de la publication des Éléments de mathématiques du groupe français N. Bourbaki qui se fixe pour but l'axiomatisation des diverses parties des mathématiques.
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