Afrique subsaharienne

Deux traits dominent dans le paysage subsaharien actuel : d'une part la multiplication des conflits locaux, aux implications le plus souvent internes ; d'autre part la généralisation de ce que les bailleurs de fonds, organisés autour du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, appellent l'ajustement structurel, à savoir la réorganisation de l'économie.

Par contraste avec l'année précédente, qui fut marquée par le génocide au Rwanda, la naissance d'une nouvelle Afrique du Sud et la dévaluation du franc CFA, 1995 est sans grand relief en Afrique subsaharienne. La démocratisation, qui était le grand thème du début de la décennie, n'occupe plus une place aussi nette dans les enjeux, bien qu'elle ne soit pas véritablement remise en cause. En réalité, les questions économiques et financières prennent le dessus avec la persistance du problème de la dette. Cependant, les conflits, le plus souvent des guerres civiles, continuent d'ensanglanter le continent.

Sénégal

Le Sénégal règle en mars 1995 une crise politique qui dure depuis la réélection contestée du président Abdou Diouf en février 1993. Abdoulaye Wade, chef du PDS (Parti démocratique sénégalais) et principale personnalité de l'opposition, entre à nouveau au gouvernement avec des fonctions de ministre d'État mais sans portefeuille. La politique économique préconisée par les bailleurs de fonds se poursuit avec des privatisations prudentes. La ligne présidentielle cherche à contourner l'obstacle que représente encore la puissance des syndicats, pourtant de moins en moins influents.

La situation se dégrade en Casamance, où les indépendantistes entretiennent l'agitation depuis plusieurs années. Quatre touristes français disparaissent en avril 1995 dans des conditions mystérieuses. Les affrontements entre rebelles casamançais et armée sénégalaise reprennent avec plus de force. Le mouvement séparatiste est plus actif, mais aussi plus divisé et plus insaisissable qu'auparavant. Aucune solution définitive au conflit n'est envisageable dans l'immédiat.

En juin 1995, le Sénégal fête officiellement le centenaire de la création de l'AOF (Afrique-Occidentale française), ce qui surprend certains de ses partenaires. La France n'accepte de subventionner cette célébration qu'avec une certaine réticence. Aucun des chefs d'État de la région ne répond à l'invitation sénégalaise ; l'épouse du président malien participe au colloque organisé dans ce cadre mais seulement comme historienne. L'un des motifs de cette célébration était pourtant de réaffirmer la foi du Sénégal dans les unions régionales en Afrique.

Chrono. : 6/04, 25/07, 26/10.

Gambie

Le régime instauré en juillet 1994 à la suite du coup d'État du lieutenant Yaya Jammeh, doit affronter durant l'année ses divisions internes. Le vice-président, le lieutenant Sana Sabally, est arrêté fin janvier, accusé d'avoir voulu renverser le président avec la complicité du ministre de l'Intérieur. Scandales, meurtres inexpliqués et démissions autoritaires témoignent de l'instabilité politique profonde et de la nervosité de dirigeants inexpérimentés. Le retour au régime civil est cependant promis pour juillet 1996.

Mali

L'année 1995 est très calme au Mali. Les pluies favorisent à nouveau les récoltes, et le conflit avec les Touaregs s'apaise : une paix encore fragile prévaut, permettant à certains Touaregs réfugiés depuis plusieurs années en Mauritanie de revenir sur le territoire malien. Les grèves et les manifestations diverses se raréfient, ce qui conduit le président Alpha Oumar Konaré à déclarer, lors de l'anniversaire de l'indépendance, en septembre, que « le Mali s'achemine vers la démocratie normale ». Le chef de l'État refuse en juillet de se rendre à Dakar pour y rencontrer le président français Jacques Chirac dans un cadre régional. Il entend ainsi protester contre une « hiérarchisation » dans les rapports franco-africains.

Burkina

Le Premier ministre, Marc Christian Roch Kaboré, procède le 11 juin 1995 à un remaniement important de son gouvernement, augmenté désormais de deux membres. Le ministre de la Défense Kanidoua Naboho est remplacé par le colonel Badaye Fayama, ancien chef d'état-major général des Armées. Ce remaniement correspond à une volonté de renforcement de la politique des « six engagements nationaux » lancée en 1994 par le président Blaise Compaoré.

Niger

La situation continue de se dégrader sur tous les plans, avec notamment la recrudescence de la rébellion dans l'est du pays (qui ne se limite plus désormais aux seuls Touaregs), l'abandon du programme imposé par le Fonds monétaire international (FMI) et le conflit durable entre le président Mahamane Ousmane et le Premier ministre nommé en février, Hama Amadou, qui appartient à l'opposition. Un accord de paix avait été signé avec les Touaregs en avril 1995 à Niamey, après avoir été négocié à Ouagadougou grâce à la médiation du Burkina. Mais la suite montre que cet accord n'est pas appliqué sur le terrain, où il est parfois difficile de distinguer la rébellion politique du simple brigandage.