Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

C'est en 1994 que commencent les ennuis. À Porto, les hommes de Daniel Costantini (entraîneur-chef d'orchestre inspirateur du miracle français), mal préparés, échouent en quart de finale des Championnats d'Europe. Un résultat indigne de leur talent. Le premier acte de la pièce est en train de s'écrire, le déclin est amorcé.

Retour vers le futur. Dimanche 7 mai 1995, coup d'envoi du 14e Championnat du monde à Reykjavik, en Islande. La compétition, qui regroupe 24 pays, s'annonce plus relevée que jamais. L'équipe de France, 6e des précédents Championnats d'Europe, ne figure pas au rang des favoris. Les pessimistes lui prédisent même les pires difficultés pour terminer dans les sept premiers de l'épreuve, condition sine qua non pour gagner un billet pour les jeux Olympiques d'Atlanta. Les grincheux n'ont pas tout à fait tort, les tricolores vont connaître un premier tour mouvementé.

Dans sa poule qualificative, la France retrouve l'Allemagne, la Roumanie, le Danemark, l'Algérie et le Japon. Les Bleus entament le Mondial en dominant les modestes Japonais, 33-20. Difficile de tirer le moindre enseignement de cette rencontre. Daniel Costantini, l'entraîneur, se prononcera sur l'état de ses troupes à l'issue du match suivant contre l'Algérie : « Nous avons pris une leçon de tactique, les joueurs n'ont rien dans la tronche... notre jeu actuel ne nous permet pas d'espérer disputer un grand rôle dans ce Mondial !!! » Les Français, pourtant, n'ont pas perdu. Ils se sont imposés in extremis (23-21). Mais leur prestation fut décevante. Dispersée en défense, inefficace en attaque, l'équipe de France a surtout oublié son jeu collectif. Pis, quelques joueurs ont montré sur le terrain des signes d'énervement à l'encontre de certains de leurs coéquipiers. Cet accès de fébrilité, associé à un manque de solidarité, entraîne la première défaite des handballeurs français contre les Roumains (22-23). Suivront une courte victoire face aux Danois (22-21) et une nouvelle défaite contre les Allemands, favoris du groupe (22-23). Le premier tour s'achève. Les tricolores prennent la 3e place de leur poule et se qualifient donc pour le tour suivant. Ils n'en demeurent pas moins très inquiets quant à leur avenir dans la compétition. D'autant qu'ils doivent affronter en huitième de finale des Espagnols au sommet de leur art. Un joueur français entre alors en scène, Denis Lathoud. Il va servir de détonateur et sera l'homme par qui le sursaut arrive.

Denis Lathoud est un des piliers du groupe, un meneur d'hommes qui ne supporte pas les non-dits qui empoisonnent l'atmosphère depuis le début du Mondial. Le 16 mai, quelques heures avant le coup d'envoi du huitième de finale contre l'Espagne, il organise dans une chambre d'hôtel une réunion avec tous les joueurs de l'équipe de France. L'entraîneur, les membres du staff technique et les officiels de la fédération présents en Islande ne sont pas conviés. Dans cette chambre d'hôtel, Denis Lathoud prend la parole et tente de réveiller les ambitions de chacun. Les langues se délient, les protagonistes « vident leur sac », comme l'expliquera plus tard l'initiateur de cette introspection collective. Quoi qu'il en soit, la réunion de travail servira de déclic et de prélude à la renaissance du groupe.

La métamorphose s'opère rapidement. Avant le coup d'envoi du match France-Espagne, durant les hymnes nationaux, les handballeurs français se tiennent tous par la taille. L'esprit de Barcelone souffle de nouveau sur l'équipe. Les Espagnols en feront les frais. Les coéquipiers de Denis Lathoud retrouvent leurs automatismes et n'oublient plus de s'encourager sur le parquet. Score final : 23-20, la France reste en course. En quart de finale, les Suisses sont balayés par une tornade bleue. Rigoureux sur le plan défensif, inspirés dans les phases offensives, les Français survolent la rencontre et l'emportent avec une marge très confortable, 28-18. Au coup de sifflet final, Lathoud et les siens exultent. En se qualifiant pour les demi-finales, ils viennent d'assurer leur participation aux jeux Olympiques d'Atlanta. Mais il est hors de question de s'arrêter là. Dans le camp français, on songe désormais à la première marche du podium des Championnats du monde. Un rêve que l'on n'osait caresser quelques jours plus tôt.