En un premier temps, les responsables brésiliens, soucieux de conserver la confiance de leurs créditeurs, laissent croire qu'un scénario à la mexicaine est possible. Dans une lettre d'intention au FMI, ils s'engagent à réduire fortement leurs déficits et à ramener le taux d'inflation à 70 % (contre 99,7 %, officiellement, l'année précédente). Certes, ils hésitent à remettre en cause l'indexation automatique des salaires, mais ils se lancent dans un plan d'austérité draconien : augmentation brutale des prix des produits de base (dont les dérivés pétroliers et le blé) ainsi que des tarifs publics ; diminution progressive des subventions ; stabilisation des dépenses publiques ; suspension de la quasi-totalité des grands projets en cours (à l'exception des travaux complémentaires du barrage d'Itaipú et de la mise en route du gisement de fer de Carajas). Une dévaluation de 30 % du cruzeiro en février — qui rompt avec la politique traditionnelle d'ajustements de faible amplitude — complète ce dispositif. Pour le FMI, ce n'est pas assez. Pour les Brésiliens, c'est trop.

Chômage et famine

En effet, le modèle de développement suivi par les différents gouvernements militaires depuis 1964, s'il accentuait les disparités sociales et condamnait à la misère la majorité de la population, avait du moins permis, jusqu'en 1982, de répartir les fruits de la croissance — inégalement il est vrai — entre les 30 à 40 millions de Brésiliens dont l'activité est liée au secteur moderne de l'économie. Or, les mesures d'austérité ont pour conséquences la chute de la consommation et du pouvoir d'achat, la récession et le chômage. C'est ainsi que sont directement touchés les salariés du secteur industriel dans le centre et dans le sud du pays, en particulier dans l'État de São Paulo.

Les conditions de vie se dégradent brutalement. À São Paulo, un salaire ouvrier assurait jusque-là une simple survie ; la perte de l'emploi dans ce pays où la protection sociale est apparemment inexistante se traduit par la faim. La situation s'aggrave bien vite ; à la fin du premier trimestre, nombreux sont ceux qui craignent une explosion sociale.

Craintes malheureusement confirmées début avril : le 5, une manifestation de chômeurs venus des bidonvilles de la banlieue de São Paulo dégénère en émeute ; des voitures sont incendiées, des magasins pillés. Si certains avancent, non sans quelques arguments, la thèse d'une manipulation destinée à mettre dans l'embarras le gouverneur de l'État, Franco Montoro, un des leaders de l'opposition qui a pris ses fonctions trois semaines plus tôt, il est clair que la colère gronde dans les milieux populaires et que, si elle peut emporter le régime, elle peut aussi mettre en danger le processus de démocratisation.

Les exigences du FMI

C'est pourquoi, si elle condamne le modèle de 1964 qui a conduit le pays à l'impasse, l'opposition, soucieuse de ne pas déstabiliser le président Figueiredo, s'en prend surtout aux « diktats » du FMI, qui impose un plan irréaliste et dangereux. Nombre de responsables gouvernementaux ne sont pas loin de partager ce point de vue : si Delfim Netto, le ministre du Plan, fait le tour des capitales occidentales pour maintenir le contact avec les créanciers, le président de la Banque centrale, Carlos Gerardo Langoni, après avoir vainement lutté pour un adoucissement des demandes du Fonds, refuse de signer une nouvelle lettre d'intention et démissionne début septembre, accusant le FMI de conduire le pays à la misère.

Pour fondées qu'elles soient, ces prises de position ont aussi pour conséquence d'affaiblir le Brésil face à ses créanciers et au Fonds. Il faudra donc se soumettre, au moins partiellement. On en prend le chemin dès le 26 septembre, à la veille de l'ouverture de la 38e Assemblée générale du FMI et de la Banque mondiale. Un nouvel accord est alors conclu, qui doit permettre la mise à disposition de quelque 11 milliards de dollars : 2 milliards de rééchelonnement de dettes publiques arrivées à échéance ; 2,5 milliards avancés par divers gouvernements, dont celui des États-Unis ; 6,5 milliards fournis par les banques commerciales. Fin octobre, le FMI doit libérer 800 millions de dollars, correspondant à deux tranches non versées sur un crédit négocié en janvier. À condition toutefois que les autorités de Brasília mettent en application le décret-loi portant atteinte à l'indexation des salaires.