Il n'aura donc fallu que deux mois pour passer de l'amitié exaltée à la haine retrouvée, au moins dans l'expression, car les rivages de la Méditerranée engendrent aisément certains excès de forme. L'accord impossible continuant à buter sur l'entêtement des Israéliens, qui persistent, même tout au long de cette année si exceptionnelle, à implanter des colonies en territoires occupés, après avoir, tout exprès, nommé ministre de l'Agriculture le général jamais vaincu, héros du canal de Suez retraversé, Ariel Sharon. Au point que, devant les protestations générales (de la communauté européenne au président Carter lui-même), sont imaginés des artifices peu convaincants : les colons endossent leurs uniformes et les colonies deviennent d'étranges bases militaires où vivent les familles au grand complet, de l'aïeul au bébé. Pour approuver cet entêtement, Israël ne trouve personne au monde. À Tel Aviv même, Israël hebdo titre : « À quoi rime cette fièvre d'implantations de l'Agence juive ? »

Diplomatie

Et, après la dernière brouille éclatante, le plus modéré, le plus efficace des Messieurs bons offices de cette douloureuse négociation, le roi du Maroc Hassan II, envoie un télégramme de soutien au président Sadate qui se sent assez fort, le 21 janvier, devant son Parlement, pour rendre Israël responsable de l'impasse. À propos de ces implantations que les négociateurs insistaient pour garder en territoire occupé, le raïs confie : « Au début, j'ai cru qu'ils plaisantaient..., mais ils ont fait de cette question secondaire une question importante..., devenue une provocation capitale pour troubler l'atmosphère des négociations et même faire avorter l'initiative égyptienne... J'ai dit au ministre israélien de la Défense, Ezer Weizman : « Si vous êtes sérieux, dites à Begin que je ne tolérerai pas qu'une seule colonie ni qu'un seul centimètre carré du territoire égyptien soit gardé par Israël, même si je dois, pour cela, vous combattre jusqu'à la fin des temps... Les dirigeants israéliens sont dans le box des accusés devant le tribunal mondial de l'Histoire. » Malgré tout, huit jours plus tard, le gouvernement israélien approuve le retour au Caire de la commission militaire, qui reprend son travail le 31 janvier, après dix-huit jours de suspension... pour s'ajourner le lendemain !

La veille, le vice-président égyptien, Hosni Moubarak, l'un des émissaires secrets de la paix vers Rabat ou Paris, avait déclaré : « Nous ferons notre possible pour aboutir à la paix, mais si la paix à laquelle nous aspirons ne se fait pas, nous devrons recourir à d'autres moyens dont l'un pourrait être la guerre. » Ce mot, qu'on tentait d'exorciser, c'est la première fois qu'un responsable égyptien le prononce depuis la petite phrase du 9 novembre. Au cours des mois suivants, on retombe dans la diplomatie des petits pas chère à Henry Kissinger et qu'on avait voulu oublier.

Après un deuxième sommet à Alger, début février, le Front du refus devient le Front arabe de la résistance, autour de l'OLP, après un tour des capitales fait par Boumediene pour tenter de trouver des alliés. Sadate et Begin vont, l'un après l'autre, revoir Carter et s'échangent des messages, mais le cœur n'y est plus. Dans les colonnes de l'hebdomadaire Octobre, Sadate se déclare, en mars «... prêt à normaliser ses relations avec l'URSS à condition qu'elles soient bâties sur le respect mutuel ». Sorte d'aveu d'échec de négociations destinées à faire barrage à l'influence soviétique au Proche-Orient et même en Afrique ?... Et au cours desquelles le président Carter s'est montré moins efficace que ne le souhaitait Sadate, « les États-Unis détenant 99 % des chances de paix », d'après le ministre égyptien Moubarak.

Mais comment les Israéliens pourraient-ils abandonner totalement le Sinaï, après avoir annoncé le 1er janvier 1978 qu'ils venaient d'y découvrir de quoi combler la moitié de leurs besoins en pétrole. Le fil très mince n'est pourtant pas rompu, et ceux qui croient avoir rêvé peuvent aller voir, dans une forêt proche de Jérusalem, les 150 arbres plantés au nom du président Anouar el-Sadate. En novembre, bonne saison pour que les arbres prennent racine.

Palestiniens : les différentes tendances s'efforcent de se rapprocher

Au printemps de 1978, trois cercueils blancs sont expédiés de Beyrouth en France. Avec un Suédois et un Sénégalais qui portaient le même casque bleu, trois jeunes Français sont morts au Liban où ils venaient d'arriver avec les 500 premiers (il y en aura 1 300) parachutistes de Carcassonne, pour faire partie de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban), forte de 4 000 puis de 6 000 hommes. Bien peu pour tenter d'apaiser le chaos libanais en perpétuelle violation de cessez-le-feu.

Anarchie

Les représentants de l'ONU sont moins les représentants d'une autorité reconnue que de simples cibles. Ainsi le premier Français, victime d'un accident, a été tué par une mine, mais les deux suivants sont tombés dans une véritable embuscade, mitraillés par des Palestiniens incontrôlés, avec 9 autres blessés dont le colonel Salvan très grièvement atteint de plusieurs balles aux jambes. Cette anarchie qui déchire la résistance palestinienne, nul chef ne paraît capable de la maîtriser, ni le dur du FDLP, Georges Habache ni le plus modéré de l'OLP, Yasser Arafat, pris entre la diplomatie et le terrorisme. Diplomate, on le trouve au Caire dès août 1977 et même après, discrètement, voire clandestinement, lorsque Sadate aura choisi d'aller à Jérusalem, ce que Y. Arafat applaudit, croît-on, comme tout le monde lors de l'annonce du 9 novembre au Parlement égyptien.