Le taux d'inflation, supérieur à 25 %, a entraîné une sévère hausse des prix des marchandises de consommation courante et du taux des loyers. L'Iran souffre en outre d'une grave pénurie d'électricité qui se manifeste par de fréquentes coupures de courant, paralysant partiellement l'industrie qui ne tourne plus qu'au deux tiers de sa capacité. D. Amouzegar est chargé de remédier à cette situation en maintenant un taux de croissance « raisonnable », tout en limitant les ambitions du sixième. Plan de développement, qui débute en mars 1978.

Sur le plan intérieur, le nouveau chef du gouvernement poursuit la politique de son prédécesseur dite de libéralisation contrôlée qui, sans donner satisfaction aux exigences de l'opposition, permet à celle-ci de s'exprimer ouvertement. Le mouvement de contestation s'amplifie et gagne, en octobre, les universités, où grèves et manifestations se succèdent. Estimant que l'agitation a atteint les limites de la tolérance, les autorités réagissent avec brutalité, et la répression prend à nouveau un aspect inquiétant avec l'entrée en action dans les rues de commandos paramilitaires.

Bonne volonté

En visite officielle à Washington vers la mi-novembre, le chah parvient à convaincre le président Carter des dangers d'une démocratisation trop poussée en faisant valoir la menace marxiste dans le Golfe et le rôle que joue l'Iran dans la défense des intérêts pétroliers et stratégiques de l'Occident. Téhéran, jusqu'alors à la tête des durs de l'OPEP, donne des gages de sa bonne volonté et rallie avec fracas le camp des modérés à la conférence de Caracas de décembre 1977, en se prononçant pour le gel des prix du pétrole pendant un an.

Lors de son passage à Téhéran le 31 décembre, le chef de l'exécutif américain décerne un « brevet démocratique » au chah, allant même jusqu'à affirmer que le souverain iranien partage ses vues sur les droits de l'homme. Il met ainsi fin aux espoirs de certains milieux de l'opposition qui souhaitaient de la part de Washington des pressions décisives pour faire infléchir la politique de l'Iran dans un sens plus libéral.

Le mouvement de contestation ne désarme pas pour autant. Au contraire, il revêt à partir de janvier un aspect plus radical, débordant le cadre de la lutte pour les droits de l'homme pour se transformer en épreuve de force contre le régime, sous l'impulsion des chefs religieux chiites conduits par le prestigieux ayatollah Khomeini, exilé en Iraq.

Émeutes

Les 7 et 8 janvier 1978, des manifestations dans la ville sainte de Qom en faveur de Khomeini, qui avait été insulté par la presse officielle, dégénèrent en émeutes antigouvernementales. La police ouvre le feu sur les manifestants, faisant près d'une soixantaine de tués.

L'Iran entre dans une période d'instabilité quasi permanente avec les manifestations de rues violentes qui se renouvellent tous les quarante jours à l'occasion de cérémonies commémorant, suivant la tradition musulmane, les morts de précédentes émeutes. Le 18 février, à Tabriz, la police, débordée par l'ampleur du mouvement, fait appel à l'armée qui intervient en force. Le bilan est particulièrement lourd : une centaine de tués. Le 27 mars, les manifestations reprennent à Yazd et sont accompagnées de troubles dans de nombreuses villes, dont Téhéran, Babol, Qazvin.

Au début d'avril, le chah multiplie les mesures pour endiguer la vague de manifestations. Le parti unique Rastakhiz est chargé de mettre au point une vaste « campagne de surveillance ». Des comités de patriotes, qualifiés également de mouvements de résistance à la subversion, sont autorisés à porter les armes pour mener à bien leur mission qui consiste à encadrer et à organiser la population. La terreur individuelle et les mesures d'intimidation contre les membres de l'opposition se généralisent. Elles sont le fait tout autant des comités patriotiques que de l'Organisation secrète de vengeance, directement contrôlée par la Savak.

Bazar

Les dix premiers jours de mai relancent la révolte dans les universités de Téhéran, puis dans l'ensemble du pays, et s'étend aux bazars. Celui de la capitale est fermé, après avoir été occupé par l'armée. Le 11 mai, pour la première fois, des manifestations antigouvernementales éclatent dans le centre même de Téhéran où les blindés de l'armée interviennent pour disperser les cortèges. Le chah ajourne ses déplacements à l'étranger et annonce qu'il ne tolérera plus « les désordres qui désorganisent le pays depuis six mois et que fomente une petite minorité de gens sans foi ni loi ». Violant un droit d'asile vieux de treize siècles, la police pénètre dans les domiciles de plusieurs chefs religieux à Qom, tuant deux mollahs dans la propre maison de l'ayatollah Chariat Madari, le principal dirigeant de l'opposition religieuse chiite en l'absence de l'ayatollah Khomeini. Toutes les boutiques du bazar de Téhéran et de sept des principales villes sont fermées, le 17 juin 1978, décrété journée de deuil national par l'opposition religieuse pour commémorer les journées tragiques de Qom.