Pour leur part, Mitchell et Stans sont inculpés pour avoir accepté, au nom du CRP, une contribution secrète de 200 000 dollars de Robert Vesco, homme d'affaires recherché par la police.

Le 17 mai, la commission sénatoriale d'enquête, composée de quatre démocrates et de trois républicains, commence ses auditions publiques dans la Caucus Room du Capitole, devant les caméras des chaînes de télévision et sous les yeux de dizaines de journalistes.

Le lendemain, un professeur de droit de Harvard, Archibald Cox, qui fut haut fonctionnaire au ministère de la Justice (solicitor general) sous les présidents John Kennedy et Lyndon Johnson, est nommé par Richardson procureur spécial chargé de diriger l'enquête judiciaire de l'affaire. Il déclare que cette enquête ne se limitera pas au cambriolage du Watergate mais à « toutes les infractions liées aux élections, toutes les allégations concernant le président, les employés de la Maison-Blanche ou les personnes qui sont nommées par elle ».

Le 22 mai, Nixon fait publier une déclaration de 4 000 mots qui constitue la proclamation d'innocence la plus détaillée et la plus catégorique depuis que le scandale a été exposé au grand jour. « Il est clair, affirme-t-il, que des activités immorales aussi bien qu'illégales ont eu lieu pendant la campagne. » Mais, ajoute-t-il, « aucune d'entre elles ne s'est produite avec mon approbation ».

La longue explication de Nixon est généralement bien accueillie dans les milieux politiques. De toute évidence, le président a marqué un point. Quarante-huit heures plus tard, devant les anciens prisonniers du Viêt-nam, le chef de l'exécutif précise son argumentation. Faisant allusion au personnage d'Ellsberg, il s'écrie : « Je pense qu'il est temps qu'on ne fasse plus des héros nationaux de ceux qui volent les secrets d'État et qui les publient ensuite dans les journaux. » C'est pour empêcher de tels individus de porter atteinte à la sécurité nationale qu'il a été contraint de créer les conditions qui ont permis à une affaire comme celle du Watergate de se développer. « J'aurais dû me montrer plus vigilant à l'égard de mon entourage », admet-il cependant.

« Libre et vigoureuse » – ce sont les propres termes du président Nixon –, la presse des États-Unis a, dans cette affaire, joué avec courage son rôle d'informatrice de l'opinion, au risque parfois de noyer celle-ci sous son flot quotidien d'enquêtes, de confessions, de fuites ou de déclarations sensationnelles.

Le grand public, vaguement désorienté par cette histoire ténébreuse aux multiples ramifications, habitué à la brutalité traditionnelle des joutes politiques américaines qui crée une sorte d'accoutumance aux scandales, trop désabusé pour se passionner vraiment, accueillera avec scepticisme les démentis opposés par leur président à ses accusateurs. Dès le début de mai, les sondages d'opinion laissent apparaître que Nixon a perdu une bonne partie du crédit dont il disposait jusque-là. Mais ils font ressortir aussi que, dans leur majorité, les Américains refusent tout chambardement et écartent jusqu'à nouvel ordre l'hypothèse d'une démission ou d'une destitution du président (impeachment). Un sondage de l'institut Gallup, publié le 20 mai, montre également que 16 % seulement des personnes interrogées placent la corruption – notamment le scandale du Watergate – en tête des problèmes les plus importants.

Les démocrates eux-mêmes témoignent d'une attitude relativement modérée à l'égard de leur adversaire, partageant, semble-t-il, le sentiment de Hubert Humphrey selon qui « cet épisode honteux a jeté une ombre sur l'ensemble du système politique et sur tous ceux qui y prennent part ».

La visite de L. Brejnev, du 17 au 25 juin, qui se déroule dans un climat particulièrement chaleureux et qui se solde par d'importants accords entre Moscou et Washington, estompera – durant un temps – pour Nixon les conséquences de cette ténébreuse affaire.

Optimisme

Comme les années précédentes, la lutte contre la poussée inflationniste et le déficit commercial des États-Unis ont été, en matière économique, les deux préoccupations principales du président Nixon.