En prenant la tête de la liste des Verts fin 1998 pour les élections européennes, Daniel Cohn-Bendit l'avait clairement annoncé : l'un des enjeux du scrutin sera de « revoir le rapport de forces entre les composantes de la gauche plurielle ». Avec 9,71 % des voix, les Verts devancent très nettement le PCF, qui doit se contenter de 6,80 % des suffrages, remettant en cause du même coup la bipolarité d'une gauche plurielle réticente à associer pleinement les Verts à l'exercice du pouvoir. À l'heure des comptes, les Verts reviennent à la charge pour réclamer un renforcement de leur présence au sein du gouvernement, limitée au ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, confié à Dominique Voynet, alors que le PC compte deux ministres et un secrétaire d'État. Mme Voynet, plus mesurée que M. Cohn-Bendit, écartait tout « chantage » auprès du chef du gouvernement. Pour le ministre de l'Environnement, il s'agit de ne pas brusquer M. Jospin et de le pousser à engager avec les Verts un réel dialogue, réservé depuis juin 1997 à sa composante communiste et à la sensibilité chevènementiste. Alors que les Verts semblent avoir trouvé au sein de la majorité plurielle la place qu'ils recherchaient depuis des années dans le paysage politique, ils préfèrent la consolider plutôt que de suivre Cohn-Bendit dans ses spéculations idéologiques sur une « troisième gauche » aux contours flous. Car le bouillant post-soixante-huitard reconverti au libéralisme européen, éternel trublion et provocateur, agace jusque dans les rangs des Verts en se posant en homme providentiel, prompt à s'attribuer les mérites des progrès des écologistes.

Troisième gauche ?

Après s'être attaqué au PC et au MDC, qui protège le flanc souverainiste de la gauche, Cohn-Bendit ambitionne de promouvoir le réaménagement idéologique du PS, une démarche assez mal venue au moment où M. Jospin semble plus soucieux de marquer sa différence par rapport au modèle libéral qui séduit les sociaux-démocrates allemands et les travaillistes britanniques. Plutôt que de le soutenir dans l'entreprise de liquidation de la gauche rouge – voire rose – annoncée par l'avènement d'une « troisième gauche » à laquelle se serait ralliée la « deuxième gauche », Mme Voynet reprend l'initiative en rassemblant le courant majoritaire des Verts réuni à Dole en juillet. À l'ordre du jour, la consolidation d'un parti écologiste qui refuse l'épreuve de force avec ses partenaires de la gauche plurielle, lui préférant une coopération approfondie sur les questions d'environnement mais aussi politiques et sociales. Par ailleurs, Mme Voynet a répété que les Verts pouvaient s'occuper d'autre chose que d'environnement, au moment même où le départ de M. Kouchner pour le Kosovo libérait un poste au gouvernement. Mais M. Jospin doit aussi éviter de se mettre à dos les 6,77 % d'électeurs qui ont voté pour Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT), dont le président Jean Saint-Josse demandait en juillet le départ de Mme Voynet.

G. U.

Un « parti vert rénové »

Les « états généraux de l'écologie politique » devraient contribuer, d'ici à novembre 2000, à jeter les fondements d'un « parti vert rénové », doté d'une « vraie assise politique » qui lui manque aujourd'hui : les effectifs écologistes se limitaient à 7 500 adhérents au 31 décembre 1998, et devraient atteindre 10 000 membres à la fin de 1999. En attendant le test des municipales, le score du 13 juin, singulièrement à Paris, où les Verts dépassent la liste PS-MDC-PRG dans trois arrondissements, a enclenché une dynamique qui met les écologistes en position de force pour la discussion du budget en septembre et en octobre ; déjà M. Jospin a promis que la part dévolue à l'environnement serait révisée à la hausse.

La rentrée de Lionel Jospin

Effectuant sa rentrée politique à l'« université d'été » de La Rochelle le 29 août, Lionel Jospin annonce une « deuxième étape » à partir d'une « nouvelle alliance » aux contours plutôt flous. L'annonce peu après par Michelin de licenciements massifs, que le Premier ministre désigne d'abord maladroitement comme une fatalité contre laquelle l'État serait impuissant, le conduit à souligner la dimension sociale de ce discours théorique. Pressé par ses partenaires de la majorité plurielle sur fond de débat sur les 35 heures, il replace la barre à gauche.