Ces « Français qui ont au cœur l'amour de la patrie » se sont mobilisés au-delà de toutes les espérances, plaçant sa liste « souverainiste » en deuxième position, avec 13,09 % des suffrages, devant la liste RPR-DL (Démocratie libérale, le parti d'Alain Madelin), qui réalise le piètre score de 12,71 %. M. Pasqua prononce, au soir du 13 juin, l'acte de décès du parti dont il fut l'un des pères fondateurs : « le RPR est mort. Ceux qui ont fait passer les tractations avant leurs convictions sont désavoués », déclarera-t-il depuis son QG de Neuilly en guise d'oraison funèbre. Ce n'est pourtant pas faute, pour le sénateur des Hauts-de-Seine, d'avoir tenté de réformer de l'intérieur le RPR depuis qu'il a fondé, en 1990, son mouvement Demain la France. Enfourchant le cheval de bataille souverainiste contre une Europe à tendance fédérale qu'il combat à visage découvert lors du référendum sur le traité de Maastricht, en septembre 1992, il se rallie ensuite à la bannière d'Édouard Balladur contre Jacques Chirac, consommant la rupture avec son ancien protégé lorsque celui-ci accède à l'Élysée en 1995. L'ancien ministre de l'Intérieur jette des passerelles à gauche, vers de possibles frères d'armes « nationaux-républicains », et crée la surprise en se prononçant fin 1998 en faveur de la régularisation de tous les sans-papiers. Puis il démissionne au lendemain de la convocation du Parlement, le 1er janvier 1999, pour la ratification du traité d'Amsterdam, en annonçant qu'il fera liste à part aux européennes, champ de manœuvres idéal pour sonder la France hostile à cette Europe préparée par la cohabitation. Après avoir formé cadres et présidentiables, le « parent terrible » du RPR dit se désintéresser de l'avenir d'un parti où il ne tentera « aucune recomposition en interne ».

Une seconde jeunesse politique

À soixante-douze ans, il se met à son compte et s'offre une deuxième jeunesse politique à la tête d'un parti que ce rassembleur organise presque à contrecœur : le Rassemblement pour la France (RPF), en écho au Rassemblement du peuple français du général de Gaulle. Mais quel avenir politique pour ce RPF ? Un avenir national, assurément, même si Charles Pasqua persiste à recentrer le débat sur l'Europe, exigeant ainsi un référendum avant le passage définitif à l'euro en 2002. Pourtant, s'il dispose de 13 sièges à Strasbourg, le RPF aura du mal à se faire une place dans le paysage politique français : plus que dans la gauche nationale-républicaine, c'est à droite qu'il pourra pêcher des voix, chez les chasseurs, par exemple, mais aussi forcément chez ceux des sympathisants du RPR qui considèrent Pasqua comme l'héritier légitime du gaullisme. Une entreprise délicate, les militants et cadres du RPR étant réticents à lâcher J. Chirac, toujours considéré comme le chef de l'opposition, pour suivre M. Pasqua dans une aventure incertaine.

G. U.

Du RPR au RPF

1943 : engagé dans la Résistance à 16 ans ;

1947 : membre fondateur du RPF dans les Alpes-Maritimes ;

1968-1976 : démissionne de la vice-présidence du Service d'action civique (SAC) pour entamer une carrière politique publique ; député des Hauts-de-Seine, dont il devient le président du Conseil régional ;

1976-1981 : transforme l'UDR en RPR en prenant sous son aile Jacques Chirac, dont il organise la campagne électorale, et entre au Sénat ;

1986-1988 : ministre de l'Intérieur du gouvernement Chirac ;

1990-1992 : tente de réformer le RPR avec Philippe Séguin et part en croisade contre Maastricht ;

1993-1995 : ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire du gouvernement Balladur, il reste fidèle à celui-ci à la présidentielle, son complice P. Séguin soutenant Jacques Chirac ;

1998 : après un passage à vide pendant le gouvernement Juppé, il est nommé conseiller politique de M. Séguin, nouveau président du RPR ;

1999 : rompant avec le RPR, il fonde le RPF après les européennes.

Cette République qui divise...

Nationaux-républicains contre libéraux-libertaires, défenseurs de l'État-nation contre avocats de l'Europe fédérale, les camps sont désormais tranchés, par-delà les clivages politiques traditionnels, mettant à mal les principes que l'on croyait consensuels de la République « une et indivisible ». La campagne des européennes, sur fond de guerre du Kosovo, a accentué les tensions entre deux conceptions de la République et deux manières d'en être citoyen.