Le Parti communiste est au creux de la vague quand Michelin annonce début septembre un vaste plan de licenciement, ce qui lui permet de rebondir sur le terrain social et politique. Les européennes du 13 juin ont confirmé l'érosion de son électorat (6,80 % des voix), reléguant la liste de Robert Hue, malgré son ouverture à des non-communistes, loin derrière les Verts, qui obtiennent près de 10 % des voix. Remettant en cause la bipolarité sur laquelle s'appuie la gauche plurielle, le scrutin européen a placé dans une position très inconfortable les communistes, qui doivent faire face aux exigences pressantes des écologistes en vue d'un rééquilibrage des forces au sein de la majorité et d'une représentation plus conforme à leur poids électoral dans le gouvernement de Lionel Jospin. Ce dernier refusera pourtant de sacrifier sur l'autel d'une « troisième gauche » exaltée par Daniel Cohn-Bendit son alliance privilégiée avec un PC qui joue le rôle de garant de l'identité politique de gauche et de garde-fou contre les tentations sociales-libérales. Un rôle que l'« affaire Michelin » lui donnera d'ailleurs l'occasion de tenir, avec plus de zèle, sans doute, qu'on n'en attendait.

L'effet Michelin

Perçue comme une nouvelle provocation d'un capitalisme triomphant et débridé, l'annonce brutale par la direction de Michelin de la suppression de 7 500 emplois imposera à la Fête de l'Huma, qui était placée sous le signe des 35 heures, un nouvel ordre du jour, celui de la défense de l'emploi. C'est sur ce thème que Robert Hue fait son discours de clôture le 12 septembre, appelant les « forces de gauche et les forces sociales » à une « grande manifestation nationale » le 16 octobre à Paris, et ouvrant ainsi un nouveau front sur le terrain social où le PC entend reprendre l'initiative. Jusque-là, rien qui puisse compromettre la cohésion d'un gouvernement comptant trois ministres communistes qui se contentent d'ailleurs de soutenir, sans y participer, une manifestation en phase avec les engagements de M. Jospin en faveur d'une « société de plein-emploi » ; sauf que, dans son intervention télévisée du 13 septembre, le Premier ministre avait malencontreusement fait l'aveu de l'impuissance de l'État face aux grandes manœuvres du capitalisme, et s'en remettait aux seuls salariés et à l'opinion, appelés à se mobiliser pour s'opposer aux abus du patronat. En saisissant la perche ainsi tendue, le PC prenait pourtant le risque de défier les socialistes, qui craignent de voir la manifestation à laquelle s'associent les Verts, le MDC et le PRG, mais aussi l'extrême gauche, prendre une tournure antigouvernementale. Mais tandis que M. Jospin rectifie le tir en remettant le cap à gauche lors des journées parlementaires du 27 septembre, Robert Hue prend soin de ne pas répéter le « grand écart » de janvier 1998 qui l'avait vu hésiter entre participation au gouvernement et soutien au mouvement des chômeurs. Observée avec condescendance par le PS, cette poussée de fièvre identitaire prend l'allure d'une opération de relations publiques bien nécessaire pour un PC dont Robert Hue veut organiser la mutation à l'approche du XXXe congrès de février 2000. Elle aidera aussi à lever les réticences des députés communistes dans le vote de la loi très controversée sur les 35 heures. La majorité plurielle y a finalement trouvé son compte.

G. U.

La pression de l'extrême gauche

En montrant sa capacité à mobiliser la rue, investie le 16 octobre par 70 000 manifestants (30 000 selon la police) malgré le refus, une semaine avant, de la CGT de défiler aux côtés des communistes, le PC aura au moins réussi à masquer les rivalités apparues après le scrutin européen avec les Verts, qui décidaient, quoique avec réticence, de se joindre à lui.

RPR cherche président...

Tandis que Jacques Chirac caracole dans les sondages et entame la troisième année d'une cohabitation qui plaît aux Français, le RPR poursuit un déclin confirme par les européennes du 13 juin, qui le relèguent derrière le RPF du tandem Pasqua-de Villiers. Tirant les conclusions de cet échec, Nicolas Sarkozy se retire en septembre, laissant le RPR se chercher un nouveau président parmi une pléthore de candidats qui seront bien obligés de chercher l'appui du président de la République, dont la tutelle devient toujours plus pesante.