Les Français aiment leur président, choyé par des sondages au beau fixe alors que la cohabitation entre dans sa troisième année. Mais quand ils passent aux urnes, c'est pour désavouer le RPR avec une constance qui frise l'acharnement. Encaissant une série de revers électoraux, déchirée par une interminable guerre des chefs, l'opposition n'en finit pas de solder les comptes de la dissolution de mars 1997, dont Jacques Chirac continue pour sa part de toucher des dividendes de sympathie qu'il ne veut pas partager, insensible semble-t-il aux convulsions de sa famille politique comme à ses démêlés judiciaires.

La cote de désamour

La cote de popularité du chef de l'État, apprécié par près de deux tiers des Français, est proportionnelle à la cote de désamour du mouvement gaulliste qu'il a fondé et présidé, un paradoxe que les élections ne cessent de confirmer depuis deux ans. Le scrutin européen du 13 juin trahit ce déficit de popularité dont souffre le RPR ; enregistrant son plus mauvais score (12,71 %), la liste RPR conduite par son président par intérim Nicolas Sarkozy, alliée à Démocratie libérale (DL), s'est même vu infliger l'humiliation d'être devancée par le Rassemblement pour la France (RPF) du gaulliste « dissident » Charles Pasqua (13,09 %) et de Philippe de Villiers, loin derrière le PS (21,96 %). Il y a péril en la demeure, mais pas à l'Élysée, dont le locataire paraît occupé à se renforcer dans la perspective des présidentielles de 2002 plutôt que de se compromettre en cherchant à faire bénéficier de son succès un RPR dans un état de délabrement avancé, qui a perdu plus de la moitié de ses adhérents en deux ans. Manifestement insoluble, la contradiction paralyse le RPR, tiraillé entre son envie d'en découdre avec le gouvernement de la gauche plurielle et son allégeance au chef de l'État, qu'il voudrait voir jouer avec plus de conviction son rôle de chef d'une opposition dont il est le « candidat naturel » aux prochaines présidentielles. Les velléités d'émancipation manifestées au sommet du RPR ont été à l'origine du départ de Philippe Séguin le 16 avril et alimentent, depuis, la guerre entre les responsables d'un parti hanté par le spectre d'une scission souverainiste agité par le RPF de Pasqua qui revendique l'héritage gaulliste. Car si Chirac se sent pour l'heure plus à l'aise dans les habits de « président de tous les Français », taillés à sa mesure par une cohabitation appréciée de l'opinion, il entend garder le RPR sous sa coupe ; en témoigne son intervention dans la lutte pour la succession à la présidence du RPR ouverte le 14 septembre par le retrait de M. Sarkozy, dont M. Chirac « ne souhaitait pas » la candidature. Laissant le champ libre à six autres candidats, M. Sarkozy a expliqué ne « pas vouloir créer les conditions d'une nouvelle crise avec le président de la République ». Mais, même s'il est présidé par un favori de M. Chirac, le RPR n'est pas à l'abri d'une « nouvelle crise » dont cette cohabitation que Philippe Séguin qualifie d'« émoliente » porte les germes, en le condamnant à l'attentisme. La crise couve en tout cas à Paris, où la bataille pour les municipales de 2001 est déjà bien engagée.

G. U.

Peu de projets politiques

Le retrait de Nicolas Sarkozy de la course à la présidence du RPR créant un appel d'air, les candidatures se bousculent jusqu'à la date butoir du 15 octobre. Renaud Muselier, député des Bouches-du-Rhône, donne le coup d'envoi le 26 juin, suivi, après l'université d'été du RPR le 29 août, de Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France et candidat de l'Élysée, du séguiniste François Fillon (Sarthe), de Michèle Alliot-Marie (Pyrénées-Atlantiques), de Patrick Devedjian (Hauts-de-Seine) et de Michel Bulté, adjoint au maire de Paris (candidature annulée). En tout cinq candidats et deux réels projets politiques – le libéral Devedjian et le républicain Fillon – pour l'élection au suffrage universel le 21 novembre du futur président du RPR. Le favori semble être l'homme du président, ce qui pourrait entraîner le départ du courant national, social et républicain, a menacé Fillon le 14 octobre.

La réforme des 35 heures

À partir du 1er janvier 2000, la semaine ne devrait plus compter que 35 heures pour les entreprises de plus de 20 salariés. La mise en application de la seconde « loi Aubry » sera pourtant différée en raison du rejet en première lecture par le Sénat d'un texte qui a menacé la cohésion de la majorité plurielle et suscité l'ire du patronat.