Actualité française

Un Front national au visage de Janus

Le divorce est consommé depuis le 24 janvier entre Le Pen et Mégret, qui fonde à Marignane son propre parti, le FN-MN, entraînant avec lui une bonne partie de l'état-major du FN. Sur fond de bataille judiciaire pour la propriété du FN et de son image, c'est une guerre politique totale que se livrent les deux ténors de l'extrême droite pour le contrôle d'un parti dont la fracture devait être sanctionnée par les électeurs aux européennes.

Depuis le 24 janvier, la France compte deux partis d'extrême droite : au terme d'un congrès fondateur à Marignane, Bruno Mégret annonçait devant 2 500 délégués la création d'un Front national - Mouvement national (FN-MN) dont il est élu président par 86 % des voix. Il aura suffi d'un mois pour que l'ancien second de Jean-Marie Le Pen, après son exclusion du bureau national le 22 décembre 1998, dernier épisode de la guerre des chefs au sein du parti d'extrême droite, rassemble ses partisans et devienne le numéro un d'un parti qui n'a d'autre vocation que de se substituer au FN. Le divorce est consommé, mais la guerre ne fait que commencer entre les deux partis qui se disputent la propriété juridique, politique et économique du FN. Après avoir dénoncé la trahison de son lieutenant félon qui minait son parti de l'intérieur. Le Pen crie aujourd'hui au complot, téléguidé depuis l'Élysée à seule fin de torpiller la « droite nationale ». Récusant toute velléité putschiste et dissidente, Mégret se réclame de la légitimité d'un parti qui aurait tout simplement déménagé, faute de pouvoir en changer les meubles et le propriétaire en titre, lequel se voit complaisamment attribuer le poste de président honoraire de ce FN « rénové » que Mégret prétend mettre en chantier. Mais cet éclatement de l'extrême droite ne signifie nullement qu'elle tendrait à devenir, à son tour, plurielle. Tel Janus, l'extrême droite montre le double visage de ses chefs dont l'ambition n'est autre que d'en prendre la tête, et qui ne différeraient l'un de l'autre, à les entendre, que par la taille – Le Pen dénigrant le « petit » chef – ou par l'âge – Mégret invitant le « vieux » à prendre sa retraite.

Règlement de comptes

Ponctué par la litanie des insultes, le débat politique se limite ici à un règlement de comptes entre deux frères ennemis qui partagent la même idéologie et le même programme, que Mégret se félicite d'avoir écrit, mais dont la stratégie vise avant tout à s'éliminer mutuellement. Un an après s'être posée comme arbitre des régionales, cette extrême droite en voie de normalisation politique est à son tour déchirée et ne peut retirer les dividendes des fractures qu'elle a provoquées à droite. Le 11 avril, Le Pen remportait une première bataille en se voyant reconnaître par la justice le droit de porter seul la flamme tricolore du FN et de recevoir les subventions de l'État. Mais ce sont les européennes, premier théâtre d'affrontement des deux FN, qui ont montré qu'il n'y a pas de place pour deux chefs dans l'extrême droite française.

G. U.

Les européennes, un test déterminant

Avec le FN-MN, Mégret espère jeter les fondations d'un grand part de droite national et populaire. Mais cette dynamique, divisant l'extrême droite plus qu'elle ne la renforce, s'est brisée sur l'écueil des européennes. Déjà éprouvée par les élections du 10 janvier à la présidence de la Région Rhône-Alpes, qui avaient vu les mégrettistes faire le jeu d'un « arc républicain », la stratégie prêtée à Mégret de la main tendue à la droite ne trouve guère d'écho dans une campagne menée comme une guerre contre Le Pen. Prédisant l'élimination rapide de Mégret, le chef « légitime » du FN prétend incarner la France anti-Amsterdam, mais il n'est pas seul sur un terrain occupé par les listes Pasqua-de Villiers ou communiste. Et la décision en mars du maire de Toulon et député européen J-M. Le Chevallier de quitter le FN pour cause de brouille avec son leader est un autre coup dur pour une extrême droite empêtrée dans des querelles de personnes et ajoute au malaise de ses électeurs qui se croyaient à l'abri des intrigues politiciennes de l'« établissement ».

La sécurité menace la cohésion de la gauche plurielle

De retour place Beauvau après une longue convalescence, c'est un Jean-Pierre Chevènement combatif qui retrouve en janvier sa place, bien peu confortable, dans le gouvernement de la gauche plurielle. Ses prises de position sur la délinquance des mineurs, dénoncées par Mme Guigou, nécessitent l'arbitrage de Lionel Jospin.