Citons Under Fire, du Canadien Roger Spottiswoode, qui allie avec maîtrise le romanesque au constat politique (les états d'âme de quelques journalistes américains et la révolution sandiniste au Nicaragua). L'Étoffe des héros, chronique non conformiste de l'entraînement des pionniers de la NASA, qui doit beaucoup à son scénariste Tom Wolfe et peu à son metteur en scène Philip Kaufman. Les Copains d'abord, où Lawrence Kasdan entreprend de faire, non sans impertinence, le bilan de la destinée des anciens contestataires des années 60.

Outsiders, Broadway Danny Rose (Woody Allen) et Amadeus (Milos Forman) s'élèvent très au-dessus de la morne plaine américaine et méritent d'être cités au palmarès des meilleurs films tout courts. Et n'oublions pas que les festivaliers de Cannes ont fondé de grands espoirs sur le jeune Jim Jarmush dont Stranger Than Paradise, présenté dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs, possède toutes les caractéristiques du film d'auteur, y compris le dénuement matériel.

La mode des remakes

L'abondance des remakes et des films référentiels sensibles au prestige des grands classiques hollywoodiens prouve à l'évidence que l'industrie ne se prive pas de jouer la carte de la nostalgie d'un temps où chaque nouveau film était comme une porte ouverte sur un nouveau monde. Le cinéma contemporain s'est enrichi de l'héritage de son aîné, dont la disparition remonte aux années 50, époque du démantèlement des grands studios. La gestion de ce patrimoine ne s'opère pas forcément dans la sagesse. Dans le meilleur des cas, les tiroirs aux souvenirs sont mis au pillage, pour une contemplation nuancée de tendresse malicieuse ou pour aider à la réflexion sur les mythologies du passé. Dans le pire des cas, on modernise, on étire à perte de vue ce qui était net et concis, on sonorise jusqu'au tapage ce qui était chuchoté, on barbouille de couleurs éclaboussantes ce qui était riche des infinies nuances du noir et du blanc. Le phénomène n'est certes pas nouveau, mais il y avait jusqu'à présent une certaine catégorie d'œuvres prestigieuses qu'un respect superstitieux préservait des atteintes de la rénovation.

Le cinéma américain a prouvé cette année que ce respect n'avait plus cours. Le Scarface de Brian de Palma, le To Be or Not To Be d'Alan Johnson produit par Mel Brooks, Unfaithfully Yours de Howard Zieff ont été des caricatures désolantes des chefs-d'œuvre de Hawks, Lubitsch et Preston Sturges. Les réussites de détail qu'ils recèlent ne les sauvent pas de l'opprobre. Après ces mauvais coups, on peut s'attendre au pire, aux remakes, par exemple, des films de Chaplin.

Sans obtenir un record d'affluence, la réédition d'Une étoile est née de George Cukor, dans une copie rétablissant les scènes supprimées par les distributeurs lors de sa sortie, a suscité suffisamment d'intérêt pour qu'on envisage la réédition en version intégrale d'autres films mutilés. Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz, la Vie privée de Sherlock Holmes de Billy Wilder et, plus loin de nous, Queen Kelly de Stroheim (inachevé, mais dont on a retrouvé des scènes jamais montées) nous seraient rendus à l'état neuf au cours des mois à venir. Plus contestable, le rajeunissement infligé au Metropolis de Fritz Lang par Giorgio Moroder risque de lancer la mode d'un maquillage des classiques dont les conséquences pourraient être désastreuses. On est heureux d'apprendre qu'un véritable travail de reconstitution du film de Lang, sans colorations fantaisistes ni opéra-rock est en voie d'achèvement à Munich et que les Allemands ont également procédé aux rééditions du Caligari de Wiene et du Nosferatu de Murnau.

Nastassja Kinski, la star de l'année

Fille du comédien Klaus Kinski, qu'elle accompagne dans ses déplacements incessants entre l'Ancien et le Nouveau Monde durant toutes ses années d'enfance, elle débute au cinéma dès l'âge de treize ans dans Faux Mouvements de Wim Wenders. À dix-sept ans, Alberto Lattuada lui donne son premier rôle important dans Cosi come sei (la Fille), mais le public français la découvre réellement deux ans plus tard lorsque Roman Polanski lui confie le rôle de Tess dans la somptueuse évocation de l'Angleterre victorienne que lui inspire Tess of the d'Urbervilles, l'un des romans les plus célèbres de Thomas Hardy. Le rôle de cette jeune fille séduite par le fils d'un hobereau, épousée par un autre homme, répudiée et finalement meurtrière de son séducteur semble un peu lourd pour cette enfant parfois encombrée de ses vêtements de femme, d'autant plus que le cinéaste s'ingénie souvent à modeler son apparence en se souvenant de l'image d'Ingrid Bergman. À tel point que la référence devient gênante lorsque le personnage aborde la période la plus tourmentée de sa vie et qu'on peut imaginer, sans malice, assister à la naissance d'une sorte de « bébé Bergman » un peu monstrueux. Les dons de comédienne de la nouvelle venue, cependant, paraissent irréfutables et l'on se convainc sans difficultés que le Polanski's Baby grandira. Affirmer que les films qui suivirent Tess nous infligèrent des déceptions serait exagéré, mais s'il y avait toutes les raisons de se réjouir de la voir adoptée si promptement et avec tant d'enthousiasme par les Américains, Nastassja pouvait inquiéter par son empressement à s'engager dans des aventures cinématographiques douteuses. À l'exception du très expérimental Coup de cœur de Coppola ses films américains, en effet, ne lui donnent guère l'occasion d'affirmer ses qualités personnelles. Par surcroît, ce sont des échecs commerciaux (le remake du Cat People de Jacques Tourneur par Paul Schrader, ou Exposed de James Toback).