Quant au mastodonte américain MGM, parti sur les chapeaux de roue, avec Ben Hur entre autres, il n'a pas livré tous les films attendus. Il faut dire que son distributeur en France, RCV, a terriblement souffert (catalogue très riche, mais lourd à gérer). Il a même dû arrêter la collection d'Armand Panigel (Mémoire du cinéma). Autre collection défunte : Témoins, de Danièle Delorme. C'était un des rares produits conçus spécifiquement pour la vidéo. Un seul magazine de charme, Electric Blue, a survécu. Un autre semble bien démarrer (deux numéros) : Hara Kiri, par l'équipe du même nom. La crise n'empêche pas quelques éditeurs indépendants de résister, comme Proserpine, avec des sorties de qualités inégales (les Compères, Louisiane, Papy fait de la résistance), comme UVP, qui exploite des films d'art et d'essai (l'Argent), comme Arkane, qui puise dans les catalogues étrangers, japonais ou hongrois, visant une clientèle certes petite, mais fidèle.

Avec plus de 6 600 films (selon l'Officiel de la Vidéo, Télé Ciné Vidéo), la vidéo offre à tous les publics une incroyable cinémathèque à domicile. Même si ce sont surtout les films récents, très célèbres (style Mad Max, les Aventuriers de l'arche perdue) et en version française, qui marchent réellement, limitant la vidéo à un prolongement de l'exploitation cinématographique la plus facile. Et les vidéo-clubs à une seconde salle... Alors que le salut passe par un rôle actif de conseil, par un grand choix et aussi par des produits spécifiquement vidéo. Dans un rapport du Centre national de la cinématographie (juin 1984), Antoine Schwarz propose : une baisse du taux de TVA ; une suppression ou une diminution de la redevance sur les magnétoscopes ; un prix maximal de 300 F pour les cassettes pré-enregistrées.

Si aucune de ces mesures n'était adoptée, nul doute que 1985 aurait le même goût amer que 1984.

François Cazenave

Radio

Une rivalité inégale

Il faut désormais compter avec les radios locales privées. Si les programmes de beaucoup d'entre elles demeurent conformes au modèle des radios parisiennes, les radios de la modulation de fréquence parviennent à réaliser une percée non négligeable dans l'audience globale.

Les Français se familiarisent avec la modulation de fréquence. Celle où se calent désormais près de 1 000 radios locales issues d'associations ou filles du service public, relayant en province le savoir-diffuser de la Maison ronde du quai Kennedy. À moins qu'ils n'explorent, au fil de leur récepteur, des radios dont ils ne soupçonnaient guère l'existence : programmes à l'écart des hit-parades, pas de publicité, confort d'écoute remarquable : France-Musique, France-Culture, FIP, Radio 1... La surprise a parfois des petits airs de révélation.

Certes, les radios de la bande FM ne menacent pas gravement la suprématie des quatre grandes. Au mois de juin, les sondages du CESP (Centre d'études des supports de publicité) maintiennent une fois encore RTL en tête de l'audience moyenne des radios, suivie d'Europe 1, France-Inter et RMC. Chacune s'estime gagnante devant la sollicitation nouvelle à laquelle est soumis le public. Mais toutes songent désormais à une conquête nécessaire de la modulation de fréquence, et chacune l'annonce à sa façon, le confort d'écoute de l'auditeur devenant du même coup un argument « payant ».

Europe 1

On décide de fourbir les armes avec la plus grande pugnacité. Au début de l'année, la station de la rue François-Ier s'était vu quelque peu disputer un secteur où elle avait incontestablement réussi : l'information, le matin en particulier, entre 7 heures et 9 heures. Faut-il voir là la raison du retrait d'Ivan Levaï ? Le journaliste, à qui Europe 1 doit, grâce à Expliquez-vous et à sa revue de presse, une bonne part de son succès, décide d'arrêter ses deux prestations quotidiennes le 22 février. Formules usées ? Il faut dire que, largement imitées sur toutes les fréquences, elles souffraient de leur multiplication. En outre, Expliquez-vous en était à sa... 2 000e édition. C'est Philippe Gildas qui monte au créneau de l'information. Il est suivi dans la journée de ces quelques monstres sacrés de l'audiovisuel qui drainent derrière eux le grand public : Michel Drucker, Pierre Bellemare et Jean-Pierre Elkabbach, qui, avec son émission Découvertes, fait une remontée discrète mais sensible. Europe 1 décide d'investir dans le champ audiovisuel tous azimuts : déjà producteur au cinéma dans le sein de l'UGC, la station coproduit deux émissions sur FR3 (Au nom de l'amour, avec Pierre Bellemare, et la Vie de château, avec J.-C. Brialy) et un feuilleton sur A2 (Allo Béatrice). Dès le 4 novembre, Europe 1 est présente sur Canal Plus où son célèbre Club de la presse est retransmis en direct. Mieux : Europe 1 a équipé ses studios en vidéo dernier cri et ambitionne de devenir l'un des plus gros fournisseurs d'émissions pour le futur câble.

Radio-France

La réforme des programmes de France-Inter — en FM stéréo 24 heures sur 24, désormais — permet à la station animée par Jean Garretto de réaffirmer sa différence par rapport à ses rivales commerciales. France-Inter bénéficie désormais d'un réseau de 40 stations régionales et locales qui relaient en partie ses bulletins d'information et les émissions de la nuit. La station manifeste un certain renouveau avec, en particulier, la réapparition du théâtre radiophonique (les 1 001 Jours, la Dramatique de minuit). Soucieux de faire de la radio un événement sonore permanent, Jean Garretto compte sur ses battants : Jacques Pradel (Contacts), Laurent Broomhead (Et un raton laveur), Agnès Gribes (Zorro de conduite), et installe un rendez-vous quotidien de l'Oreille en coin, sous le titre de la Puce à l'oreille.

France-Musique change de tête

René Koering laisse la place à Gilles Cantagrel tout comme Yves Jaigu laisse les rênes de France-Culture à Jean-Marie Borzeix au début du mois de mai. Ce dernier programme, qui avait souffert d'un budget en diminution de 1,1 % (dont, pour le seul Programme musical de la chaîne, une ponction de 44,5 % sur son propre budget), a été repensé et rajeuni, laissant plus de place aux nouvelles expressions artistiques et misant sur les vertus du direct.