TF1 avait-elle besoin d'une telle compétition pour convaincre son public ? Certes, si le divertissement reste d'une démagogie qui sidère, la première chaîne fait preuve d'une innovation, quand elle adapte quelques œuvres intéressantes de la « Série noire » le samedi en soirée ; d'ouverture, lorsqu'elle diffuse des spectacles venus du tiers monde ; d'originalité dans ses documentaires, qu'il s'agisse de l'Odyssée de l'équipe Cousteau en Amazonie ou de l'excellente série Le bébé est une personne, diffusée au mois de septembre ; de courage, enfin, avec une production comme les Chemins de la musique, qui tente de traduire en images vidéo la musique comme elle s'écoute. TF1 crée encore l'événement lorsque, au mois d'octobre, Hervé Bourges demande au Premier ministre Laurent Fabius de venir expliquer aux téléspectateurs sa politique une fois par mois au cours d'un entretien sans cérémonie. Ce quart d'heure provoque des protestations, notamment dans l'opposition parlementaire, qui en réfère à la Haute Autorité. Celle-ci lui accorde le même temps de parole en vertu du droit de réponse.

A2 à la Une

Antenne 2 se résigne le 15 novembre au départ de son président, Pierre Desgraupes, atteint par la limite d'âge déterminée par la fonction qu'il occupe. Il laisse la place à Jean-Claude Héberlé, jusque-là directeur de Radio-Monte-Carlo : sa nomination aurait été, dit-on, souhaitée du côté de l'Élysée. L'abstention de Michèle Cotta, présidente de la Haute Autorité, dans le vote de celle-ci, manifeste une certaine gêne au niveau de cette institution, créée pour garantir l'audiovisuel français de toute pression. Quoi qu'il en soit, le nouveau président d'Antenne 2 trouve en arrivant une chaîne que son prédécesseur a su rendre populaire autant sur le terrain de l'information que sur celui du divertissement et de la culture. Sur le premier plan, les journaux de A2 sont les plus suivis des téléspectateurs français : le « 20 heures » fait un score de choix et Christine Ockrent devient la journaliste vedette du petit écran. Quant au second, il se partage entre des productions qui réunissent de grandes audiences (Champs-Élysées, Grand Échiquier, Dossiers de l'écran, Apostrophes) et des productions destinées à des publics plus restreints (Musiques au cœur, les Jours de notre vie) ou des innovations telles que ce Vidéomaton, diffusé pendant l'été et qui proposait au téléspectateur d'enregistrer des petites annonces dans un car vidéo ambulant, selon le principe des cabines photographiques automatiques.

Deux événements mettent la chaîne de Pierre Desgraupes en effervescence : le premier, c'est le 22 février, l'émission Vive la crise, une tentative d'explication pour tous du phénomène de crise que nous connaissons depuis plusieurs années. Animée par Yves Montand, cette émission est suivie par 6 millions de téléspectateurs. Elle suscite, dès le lendemain, réactions, débats de toutes sortes, chacun ayant sa propre définition de cette crise, et, parfois, son idée sur les remèdes à y apporter.

Le second est plus dramatique : parti en Afghanistan à la fin du mois de septembre pour un reportage sur la situation de ce pays, Jacques Abouchar, grand reporter à Antenne 2, est porté disparu. On apprend peu après que, fait prisonnier par l'armée afghane, il est accusé d'espionnage et détenu avant son jugement. Condamné à 18 ans de prison à la suite d'un procès dont l'opinion internationale a eu le goût prononcé d'un simulacre, il est, quelques jours plus tard, « gracié » et expulsé. Son retour en France illustre la force de l'opinion internationale sur le thème de la liberté de l'information. Nul n'a mis en doute le rôle primordial joué par l'Union soviétique dans cette affaire.

FR3 : une TV atypique

FR3 n'a pas connu, cette année, ce genre de problème. Certes, son journal de 22 heures — son édition la plus importante — s'est rénové après le départ de Maurice Séveno et l'arrivée de Didier Dauriac de France-Culture, mais on cultive sur la chaîne des régions une information moins explosive, plus réflexive, mais toujours complète. FR3, qui s'est toujours réclamée chaîne du cinéma, investit dans d'autres domaines. Est-ce la concurrence de Canal Plus, distributrice de films à haute dose, qui intimide l'ex-petite dernière du petit écran ? FR3 mise sur la musique, et le succès des émissions de Charles Imbert est là pour montrer qu'il s'agissait bien d'une bonne intuition. Après Musiclub et Prélude à la nuit, Charles Imbert meuble les dimanches après-midi de FR3 avec Musique pour un dimanche, concert grand format pour mélomanes allumés par les mini-concerts de fins de programmes.