La palme revient toutefois au jeune festival de piano de La Roque-d'Anthéron : afficher en moins de vingt jours Paul Badura Skoda, Jörg Demus, Pascal Rogé, Youri Egorov, Zoltan Kocsis, Alicia de Larrocha, Murray Perahia, Pierre Alain Volondat, Marie Catherine Girod, Jean François Heisser, Jean Bernard Pommier, Marc Laforêt, Michel Dalberto, Krystian Zacharias, Vlado Perlemuter et... Chick Corea, c'est à la fois fantastique et inquiétant.

Plus sereines, les Fêtes musicales de la Grange de Meslay en Touraine ont consacré leurs deux fins de semaine annuelles au quatuor à cordes, réunissant les Amadeus, Melos, Orlando, Borodine, Brandis, Via Nova, avec le cerveau de cette entreprise, Sviatoslav Richter.

IRCAM

Paradoxe ou non, la musique de notre temps continue fort heureusement à vivre. Grâce à ces hauts lieux de la création que sont l'Ircam, Radio France ou le Centre européen pour la recherche musicale qu'anime, à Metz, Claude Lefèvre. Grâce aussi à ces défricheurs infatigables, l'Itinéraire, Musique vivante, Musique oblique... L'IRCAM axe toujours ses programmes sur l'avant-garde, y compris ceux qui sont maintenant des classiques. Peter Eotvos y dirige Ives et Boucourechliev, mais aussi Ligeti et Janáček ; Michel Tabachnik et l'Ensemble intercontemporain ouvrent, dans le cadre du Festival d'automne, un cycle Xénakis qui se poursuivra sur trois ans. Toujours au Festival d'automne, on remarque l'orchestre de la City of Birmingham et son chef, l'un des jeunes loups de la baguette, Simon Rattle.

L'événement véritable, c'est bien, en octobre, la création de la nouvelle version de Répons, de Pierre Boulez, d'abord à Metz puis au centre Pompidou, avec Pierre Laurent Aimard au piano, Alain Neveux au piano et à l'orgue électrique, Marie Claire Jamet à la harpe, Vincent Bauer au vibraphone, Michel Cerruti au cymbalum et Daniel Ciampolini au xylorimba, avec, bien sûr, l'Intercontemporain sous la direction du maître.

Le cycle Acousmatique de l'INA/GRM multiplie les créations : la Création du monde de Bernard Parmeggiani dans sa version définitive ou la Tentation de saint Antoine de Michel Chion. Au Groupe vocal de France revient la responsabilité de la première audition de Niobé de Pascal Dusapin et de Chiffre V de Wolfgang Rihm, tandis qu'Alain Féron réserve à Musique oblique ses 3 miniatures op. 2. L'Itinéraire présente Clarence Barlow, né à Calcutta et résidant à Cologne. Au national, Pierre Boulez mène au succès Adagio et stretto de Gilbert Amy, grand prix SACEM de la musique symphonique 1983 ; l'Intercontemporain crée Écho XIII, la variation ajoutée de Gilbert Amy commandée par l'IRCAM.

Autre succès, mais cette fois au NOP : Magnétiques, de Francis Miroglio, permet d'applaudir pour la première fois en France la célèbre violoniste allemande Christinae Eidinger.

Avec Perspectives du xxe siècle, un cycle qui accueille fréquemment l'excellent ensemble 2E2M de Paul Méfano, Alain Bancquart propose un véritable marathon pianistique qui voit se succéder Stockhausen, Barraqué, Ohana, Boulez, Xenakis, Messiaen, Boucourechliev, Philippe Manoury et bien d'autres, sous les doigts de Claude Helffer, Jay Gottlieb, Pierre Laurent Aimard, Michael Levinas... mais, hélas, sans l'un des meilleurs défenseurs de ce répertoire, Jean-Claude Pennetier, accidenté.

Contemporain

Les festivals de musique contemporaine tiennent bon. Saint-Denis accueille l'Intercontemporain et Peter Eotvos ; Désintégrations de Tristan Murail ainsi que le Porte-Voix de Lévinas voisinent avec le Marteau sans martre. Le Festival estival couronne Claude Ballif compositeur de l'été, et la très sérieuse Revue musicale lui consacre un numéro. Nantes se réjouit de la réussite d'Odyssée 84, avec en vedettes Steve Reich, Michel Portal, Carlos Roque Alsina, Krysztof Penderecki et Maurice Ohana. À La Rochelle, la musique est dans la ville pour les désormais traditionnelles Rencontres d'art contemporain qui, parmi un programme passionnant (Franco Donatoni, Brian Ferneyhough, Horatio Radulescu, Pierre Yves Artaud), honorent Michael Tippett avec, en particulier, le Triple concerto de 1980 (le NOP et en solistes Sylvie Gazeau, Gérard Caussé et Alain Meunier) et la création française du Quatrième Quatuor par le célèbre Quatuor Arditti.