Même avec une majorité confortable au Parlement, une attitude démocratique irréprochable et une bonne volonté à toute épreuve, le Premier ministre Francisco Pinto Balsemao ne parvient pas à imposer son autorité.

En fonctions depuis le 5 janvier 1981, à la suite de la mort accidentelle de F. Sa Carneiro (Journal de l'année 1980-81), sa gestion est contestée de toutes parts. Il y a le PC, bien sûr, enfermé dans son stalinisme obtus ; et encore le PS, qui n'offre aucune solution de rechange et dont le principal grief à l'égard de l'Alliance démocratique est d'occuper le pouvoir à sa place.

Mais c'est surtout à l'intérieur même de la coalition gouvernementale que le Premier ministre rencontre ses plus fermes opposants. Non seulement dans le Centre démocratique et social (CDS), mais encore au sein du Parti social-démocrate (PSD) dont il est le leader et où on lui reproche de faire trop de concessions à la gauche et de manquer de fermeté vis-à-vis du président de la République et des militaires.

Dégradation

Se conformant à un ultimatum de l'aile droite du PSD, Balsemao démissionne le 10 août 1981. Mais, dans l'impossibilité de lui trouver un successeur, on le prie de reprendre sa place le 25 août.

F. Balsemao en profite pour placer à la tête de ministère des Finances et du Plan Joao Salgueiro, un brillant économiste, doté de pouvoirs considérables pour rétablir une situation économique dont l'OCDE constate la « dégradation très nette » : une inflation de 18 %, un déficit extérieur de 1 680 millions de dollars, un chômage qui touche près de 9 % de la population active.

Le 22 novembre 1981, le ministre présente un budget de salut national, réduisant brutalement les dépenses publiques, augmentant les recettes fiscales et contrôlant les salaires.

Ces mesures, alors que plus de 20 % ces entreprises du pays se trouvent dans une « situation financière dégradée », provoquent des tensions sociales dont le PC s'efforce de tirer parti. À plusieurs reprises, le pays est paralysé par des grèves que le gouvernement qualifie de « politiques ».

Vestige

Quelques jours après l'expulsion de deux diplomates soviétiques pour « activités en violation de leur statut de diplomates », le PS vient à la rescousse du gouvernement en affirmant qu'une grève générale organisée le 12 février 1982 par la CGTP (d'obédience communiste) fait partie d'une stratégie du PC pour déstabiliser le régime démocratique, et qu'elle est commandée par l'URSS.

La journée de lutte du 12 février est un échec, ce qui renforce quelque temps la position de F. Balsemao. Mais les rapports syndicats-gouvernement subissent une nouvelle dégradation après les bagarres qui, le 1er mai à Porto, opposent manifestants de la CGTP à la police et font deux morts.

Il arrive que le PS (qui a déposé le 13 février une motion de censure contre le gouvernement) rejoigne la majorité sur certains problèmes, tel celui de la révision constitutionnelle, qui devrait supprimer le Conseil de la Révolution (dernier vestige du pouvoir militaire qui a suivi la Révolution des œillets de 1974 [Journal de l'année 1974-75]) et réduire le rôle du président de la République, Mario Soares déclare dans une interview : « Nous estimons que, sous un régime démocratique, le pouvoir militaire doit être subordonné au pouvoir civil. »

CEE

Ces perspectives mettent hors de lui le général-président Eanes, qui menace : « Si la nouvelle Constitution réduit les pouvoirs du chef de l'État, je pourrais donner ma démission et prendre la tête d'une formation politique pour les prochaines élections législatives. »

De son côté, un membre du Conseil de la Révolution assigne F. Balsemao pour une sombre affaire de « violation du secret de l'instruction ».

Ces réactions révèlent une inquiétante nostalgie chez les anciens capitaines.

Sur le plan diplomatique, cependant, le Portugal marque des points. Son adhésion à la CEE est en bonne voie et les voyages du président Eanes au Mozambique (24 novembre 1981) et en Angola (15 avril 1982) font désormais de Lisbonne le relais indispensable entre la Communauté et l'Afrique australe.