Autre événement qui retient l'attention : la dure polémique entre le PC italien et le grand parti frère soviétique. À l'origine de cette querelle, les événements de Pologne. Par deux fois, les 14 et 29 décembre 1981, la direction du PCI stigmatise le coup de force militaire et la « logique du pouvoir » dans le camp socialiste. Enrico Berlinguer déclare même à la TV : « La force propulsive née de la révolution d'Octobre s'est désormais tarie, comme s'est tarie la capacité de renouvellement des sociétés de l'Est européen. »

Séisme et camorra

Un an après le séisme qui a ravagé le 23 novembre 1980 la région napolitaine (Journal de l'année 1980-81), le ministre de la Protection civile Zamberletti dresse un bilan mi-figue, mi-raisin de la situation. « En six mois, dit-il, c'est comme si nous avions construit une ville de 120 000 habitants. La phase des réinstallations est quasi terminée. Mais dix années au moins seront nécessaires pour éliminer tous les décombres et remplacer le préfabriqué par du dur. » À Naples et dans sa proche banlieue, la lutte entre clans rivaux de la camorra (la mafia locale) fait rage. Il s'agit de s'attribuer quelques parts du gâteau de la reconstruction et de préserver ses zones d'influence. Le bilan est très lourd : 235 morts en 1981 et 120 au cours des quatre premiers mois de 1982. Un nom revient sur toutes les lèvres : celui de Raffaele Cutolo, 40 ans, poète à ses heures, qui, de sa prison, dirige la Nouvelle camorra organisée. On lui prête des pouvoirs considérables. Il aurait ainsi servi de médiateur entre certains milieux démocrates-chrétiens et les Brigades rouges, pour obtenir la libération de l'assesseur régional Ciro Cirillo, enlevé le 29 avril 1981 et relâché le 24 juillet contre une rançon de 7,5 millions de F.

Blasphème

Le Comité central du parti se réunit les 12 et 13 janvier 1982 et la ligne du secrétaire général est approuvée à une énorme majorité. Seul Armando Cossutta, responsable des régions et des collectivités locales au sein de la direction, leader de la tendance prosoviétique, vote contre. Il y a deux abstentions.

La réaction du Kremlin ne tarde pas : la Pravda publie le 24 janvier un article d'une extrême dureté intitulé « Au mépris ces intérêts de la paix et du socialisme ». Le PCI se voit accusé pêle-mêle du « blasphème » et de « dénigrement inadmissible ». Ce n'est pas une excommunication, mais un sérieux coup de semonce. Les remous de l'affaire sont très vifs.

Il apparaît cependant assez vite que ceux qui ont parlé de divorce ou de rupture se sont trompés : le PCI a pris ses distances de l'extérieur avec Moscou (d'ailleurs Togliatti proclamait dès 1956 la voie italienne au socialisme), mais il n'a pas coupé à l'intérieur le cordon ombilical qui le lie au PC soviétique depuis 60 ans. Les humeurs d'une base déboussolée en témoignent. E. Berlinguer affirme le 2 avril 1982 : « Il n'y a pas eu rupture et nous ne la cherchons pas. Il y a une polémique très âpre. »

Vin

Il n'est pas question, par exemple, pour le PCI de renier le marxisme-léninisme. Mais E. Berlinguer entend bien continuer à débroussailler ce qu'il appelle la « troisième voie » (entre le socialisme tel qu'il est pratiqué à l'Est et la social-démocratie), basée sur la « recomposition unitaire du mouvement ouvrier européen ». Tel est d'ailleurs le sens de sa visite à Paris, en avril 1982, à l'enseigne de l'eurogauche.

Début mai, à l'occasion de son 15e congrès national, l'autre grand parti italien, la démocratie chrétienne, se donne un nouveau secrétaire général, Ciriaco De Mita, 54 ans, membre de l'aile gauche de la DC. But de l'opération : contrer les ambitions croissantes du leader socialiste Craxi.

À l'échelon gouvernemental, France et Italie décident d'institutionnaliser leurs rencontres sur le modèle des sommets franco-allemands. À Paris, le 19 novembre 1981, puis à Rome, le 26 février 1982, les présidents Mitterrand et Spadolini manifestent le désir de resserrer des relations jusqu'ici assez lâches. Mais la guerre du vin contrarie quelque peu ces efforts.