Un an après la mort de Bobby Sands, on constate pourtant que le mouvement républicain piétine, tandis que James Prior, le nouveau secrétaire d'État britannique pour l'Irlande du Nord, nommé le 14 septembre 1981, fait flèche de tout bois. Son premier soin est de lâcher du lest dans les prisons.

L'entente cordiale est, aussitôt après, rétablie avec Dublin : le sommet FitzGerald-Thatcher du 6 novembre réitère « le caractère unique des relations entre les deux pays » et jette les bases d'un conseil intergouvernemental anglo-irlandais. Enfin, James Prior multiplie les consultations et les déclarations favorables à une nouvelle dévolution des pouvoirs.

Certes, sur le terrain, tueurs loyalistes et républicains rivalisent d'ardeur. Le terrorisme irlandais refait même son apparition à Londres, où l'on n'avait plus eu à déplorer d'attentats depuis mars 1979. Le 10 octobre 1981, à Chelsea, une bombe à fragmentation télécommandée tue une vieille dame et blesse cinquante personnes. Le 18, c'est au tour d'un général des Royal Marines de devoir être amputé, à la suite de l'explosion de sa voiture. Le 25, un spécialiste du déminage est tué par une bombe dans Oxford Street.

En Ulster, ce sont les supplétifs protestants de l'UDR qui semblent être la cible de prédilection des tireurs de l'IRA, surtout dans les régions frontalières. Personnalités et objectifs commerciaux sont également visés. Avec l'assassinat, le 14 novembre 1981, du député unioniste Robert Bradford, la communauté protestante voit rouge. Le pasteur Paisley menace de rendre la province ingouvernable, James Prior est conspué ; une Journée d'action loyaliste sert de prétexte au défilé d'une troisième force, composée de milliers de paramilitaires protestants en tenue de combat.

Défensive

Mais le secrétaire d'État pour l'Irlande du Nord n'est pas homme à se laisser impressionner. Les protestants sont énergiquement rappelés à l'ordre. Le pasteur Paisley, éclaboussé par le scandale politico-sexuel du foyer d'adolescents de Kincora, doit en rabattre : à l'élection partielle au siège de Robert Bradford, son candidat arrive bon troisième derrière les candidats du Parti unioniste officiel et du parti interconfessionnel de l'Alliance.

Les extrémistes républicains sont, eux aussi, sur la défensive. Le renforcement de la coopération militaire entre les deux Irlandes a entraîné la découverte d'importants dépôts d'armes et le démantèlement partiel de l'appareil logistique de l'IRA sur la frontière.

Un flot d'informations a permis par ailleurs aux forces de l'ordre de déjouer plusieurs attentats et de neutraliser des réseaux entiers de l'INLA et de l'IRA, au point que cette dernière s'est vue contrainte d'annoncer une amnistie de deux semaines pour tous les indicateurs repentis susceptibles de l'aider à parer les coups de l'armée et de la police. Sans doute est-il trop tôt pour parler d'un reflux des extrémistes, mais le terrain s'avère propice à des initiatives constitutionnelles.

Plan Prior

Ainsi le Plan Prior rendu public le 5 avril 1982 propose-t-il l'élection, à l'automne, d'une Assemblée de 78 membres qui, outre un rôle consultatif, pourra demander que lui soit transféré, progressivement ou non, un certain nombre de compétences dans le domaine législatif et exécutif, jusqu'à dévolution complète des pouvoirs. Liberté entière est laissée aux élus pour déterminer la forme des institutions et le rythme de la dévolution, à la condition toutefois que l'organisation des pouvoirs soit acceptable par les deux communautés.

Infiniment plus préoccupante, la situation économique appelle une médication énergique. En janvier 1982, le nombre de demandeurs d'emplois s'élevait à 113 367, soit 19,7 % de la population active. Dans certaines villes à majorité catholique, comme Strabane, Newry, Dungannon, une personne sur trois est au chômage.

La ceinture protestante de Belfast n'est pas épargnée ; elle compte 15 à 20 % de sans-emploi, chiffre sans précédent depuis la grande dépression de 1930. Les secteurs vitaux de l'économie sont atteints : les chantiers navals Harland and Wolff licencient 1 000 ouvriers ; les grandes fabriques de textiles synthétiques Courtaulds, ICI, British Enkalon ferment leurs portes, incapables de lutter contre la concurrence des producteurs du tiers monde.