À Rome, la terre tremble légèrement ; pour beaucoup, la secousse passe inaperçue. À la même seconde, des millions de personnes, sur plus de 1 500 km de Trieste à Palerme, vivent le même phénomène, plus ou moins perceptible. Les relevés de l'observatoire de Catania, en Sicile, indiquent cependant que la secousse a atteint, en son épicentre, le degré 10 de l'échelle de Mercalli (qui en compte 12), mais, à 20 h 30, à la fin du journal télévisé, le présentateur rassure pourtant tout le pays en indiquant qu'il n'a connaissance d'aucune victime et d'aucun dégât.

Tragédie

Au fil des minutes, les nouvelles, un peu plus précises, confirment que c'est la région de l'Irpinia, à l'est de Naples, qui a été la plus touchée. Encore quelques heures, et, sur les cartes, on peut enfin délimiter la zone frappée directement par le tremblement de terre : il s'agit d'un immense quadrilatère délimité par Naples, Salerne, Potenza et Benevento, soit 18 000 km2 (plus de la moitié de la Belgique) ; 7 millions d'habitants sont directement concernés. Le téléphone et l'électricité sont coupés. Impossible d'obtenir des informations de dizaines de villages qui se trouvent cependant pratiquement tous à quelques minutes de voiture des grands axes routiers, d'une des régions d'Italie les mieux desservies par les autoroutes. On peut craindre en tout cas le pire, et pourtant, dans un premier temps, les secours sont limités et surtout mal organisés.

À Naples, dans le centre historique, un immeuble s'effondre, et 49 locataires sont tués. Apprenant la nouvelle, des milliers de personnes passeront la nuit dehors, dans leur voiture ou autour de grands feux.

Dans la nuit de dimanche à lundi, les premières colonnes de soldats partent, mais sans savoir très bien où aller ; de plus, le brouillard ralentit fortement leur progression.

Bilan

Quand le jour se lève, les premiers bilans font état de 200 morts. Le plus souvent, ce ne sont pas les préfectures qui fournissent ces chiffres, mais les envoyés spéciaux des journaux, arrivés dans les villages bien avant les pompiers ou les carabiniers. La liste de ces pays dévastés ou complètement rasés s'allonge : 133 villages sont déclarés sinistrés, mais beaucoup, au soir du lundi 24, n'ont pas encore vu le moindre secouriste.

Le lendemain, mardi 25 novembre, c'est la colère dans les régions que visitent, l'un après l'autre, le président de la République Sandro Pertini et le pape Jean-Paul II. Plusieurs fois, ils sont interpellés par des rescapés qui ont tout perdu et qui ont surtout le sentiment d'être oubliés. Dans un message télévisé au pays, le président Pertini, le mercredi 26 novembre, critique à son tour la lenteur et la confusion des secours. Vingt-quatre heures plus tard, le ministre de l'Intérieur présente sa démission, que le président du Conseil refuse.

Le même jour, l'armée annonce qu'elle a déjà engagé sur le terrain 13 000 hommes. Des centaines de volontaires convergent vers les villages, mais, faute d'une organisation rationnelle, certaines communes débordent de vivres et de médicaments, alors que d'autres, totalement délaissées, manquent même de cercueils. Beaucoup de personnes encore bloquées sous les décombres à ce moment-là ne pourront pas être sauvées à temps : au total, 113 survivants seulement seront arrachés aux ruines. Le bilan de la terrible catastrophe s'élève, début décembre, à 2 688 morts et 8 807 blessés, selon les statistiques établies officiellement. Avec plus de bras, on aurait pu faire beaucoup mieux estiment tous les experts étrangers et beaucoup de leurs confrères italiens mobilisés sur place.

La lutte en effet semble inégale : des milliers de maisons ont été détruites, et la recherche des rescapés s'effectue dans les plus mauvaises conditions, sous la pluie et sous la neige qui commence à tomber.

Devant ces ruines, les sinistrés : 250 000 personnes qui, les premières nuits, n'ont pour dormir que des couvertures. Finalement, 200 000 d'entre elles ont recommencé une nouvelle vie sous la tente. Les autres ont pu s'installer dans des caravanes ou dans des trains mis à leur disposition. Très rares sont ceux qui acceptent de quitter leurs villages pour aller habiter dans les hôtels réquisitionnés sur la côte napolitaine, comme le prévoit un plan imaginé par le commissaire spécial du gouvernement, Giuseppe Zamberletti.