Les nouvelles données de la situation internationale aboutiront un peu plus tard à un gel de l'accord, et Carter demandera lui-même, le 3 janvier 1980, aux parlementaires de renvoyer le débat sur ce sujet à des jours meilleurs.

La poursuite de la politique américaine de rapprochement avec Pékin ne manquera pas non plus d'aviver le mécontentement de l'URSS. Le climat serein dans lequel se déroule la visite du vice-président Walter Mondale en Chine contraste avec la hargne qui caractérise désormais les rapports Washington-Moscou. Et la décision de Carter de demander au Congrès, le 23 octobre, qu'il accorde à la Chine la clause de la nation la plus favorisée (mesure qui sera approuvée à une forte majorité par la Chambre des représentants le 24 janvier) est, bien entendu, interprétée par l'Union soviétique comme un geste supplémentaire d'hostilité à son égard. Tout comme l'annonce, en décembre, de l'implantation, en Europe, de nouveaux missiles nucléaires à moyenne portée.

Afghanistan

Coup de tonnerre dans un ciel depuis longtemps lourd d'orages, l'intervention de l'armée rouge en Afghanistan va mettre un point final à la détente, telle qu'elle se pratiquait ces dernières années. Le 28 décembre, Carter dénonce ce qu'il appelle une « ingérence grossière » de l'URSS et « une violation flagrante des normes de comportement internationalement acceptées ». Sans tarder, la Maison-Blanche décide de reprendre les livraisons américaines de matériel militaire au Pakistan, interrompues en avril 1979, et d'engager une concertation avec les alliés occidentaux des États-Unis, pour définir une politique commune dans cette épreuve de force.

Le 31 décembre, le chef de l'exécutif déclare : « Cette action (de l'URSS) m'a fait plus profondément changer d'opinion sur les Soviétiques que toute autre chose qu'ils aient faite depuis que j'occupe cette fonction. » Propos qui annoncent une réorientation complète de la politique américaine à l'égard de l'URSS.

Carter, au demeurant, ne peut pas ne pas tenir compte de l'irritation croissante de l'opinion américaine, déjà exaspérée par l'affaire des otages de Téhéran et au sein de laquelle les partisans de la manière forte se font de plus en plus nombreux.

La Maison-Blanche rend publiques, le 4 janvier, un certain nombre de décisions qui ont été arrêtées deux jours plus tôt au cours d'une réunion du Conseil national de sécurité. La plus importante d'entre elles est sans aucun doute la limitation des ventes de céréales à l'Union soviétique. En revenant strictement aux accords de 1975 qui fixent un plafond de 8 millions de t de céréales américaines par an, les États-Unis privent l'URSS de 17 millions de t déjà commandées. Néanmoins, cette mesure de rétorsion, qui doit entraîner un manque à gagner de 2 milliards de dollars pour les Américains, est mal accueillie dans les États agricoles du Middle West.

Carter annonce également l'interruption des fournitures à l'URSS de technologie avancée et de matériel stratégique, la réduction des privilèges de pêche accordés à ce pays dans les eaux américaines et l'ajournement de divers programmes d'échanges économiques et culturels.

De façon plus générale, Carter définit sa nouvelle doctrine en matière de politique étrangère dans le traditionnel message sur l'état de l'Union, qu'il divulgue le 21 janvier 1980. Donnant désormais la priorité au « renforcement de la puissance militaire des États-Unis et de leurs amis », Carter déclare que toute tentative de prendre le contrôle de la région du Golfe sera considérée comme une attaque contre les intérêts vitaux de son pays et sera repoussée par la force. Il demande enfin au Congrès de confirmer son approbation du traité américano-pakistanais de 1959, qui stipule que Washington pourrait intervenir militairement en cas d'attaque du Pakistan. Trois jours plus tard, la Maison-Blanche donne également le feu vert à des livraisons d'équipements militaires à la Chine.

Carter déclare, le 9 mai 1980, que « la détente avec l'Union soviétique reste notre objectif », mais souligne que ce serait « une erreur historique » de sous-estimer l'importance du « défi stratégique » lancé par Moscou. Six jours plus tard, le nouveau secrétaire d'État, Edmund Muskie, rencontre Andreï Gromyko à Vienne et lui fait part des griefs américains. Mais, à la suite de cet entretien, il admet que celui-ci ne lui a pas apporté de « grands espoirs ».

Solidarité

En même temps, le chef de l'exécutif s'efforce, avec des fortunes diverses, de stimuler les sentiments de solidarité des alliés des États-Unis à son égard. Le 13 janvier 1980, le secrétaire d'État adjoint, Warren Christopher, entreprend une tournée européenne qui le conduit à Londres, Rome, Paris, Bonn et Bruxelles, où il participe notamment à une réunion du Conseil atlantique. Du 19 au 22 février, le secrétaire d'État Cyrus Vance se rend à son tour en Europe pour consulter les principaux alliés des États-Unis.