Carter multiplie à ce propos les opérations publicitaires, se rendant à Baltimore en train et non pas en hélicoptère, « afin de faire de la réclame pour les transports en commun », et passant une semaine de vacances en août à bord d'un des derniers vapeurs croisant sur le Mississippi « pour démontrer l'intérêt des économies de pétrole ».

Superprofits

De façon moins anecdotique, Carter est amené à croiser le fer avec les compagnies pétrolières. Le 25 juillet, il dénonce vigoureusement ces firmes qui s'opposent à l'adoption par le Sénat d'un impôt sur les superprofits qu'elles vont réaliser du fait de l'alignement progressif des prix du pétrole produit aux États-Unis sur ceux du marché mondial. « Si le lobby pétrolier réussit à annihiler cet impôt, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs en matière énergétique », rappelle-t-il.

Carter reçoit, le 6 août, l'appui indirect de la centrale syndicale AFL-CIO qui envisage de demander la nationalisation des compagnies pétrolières.

Le chef de l'exécutif menace, le 25 octobre, de prendre des mesures de rétorsion à l'encontre des compagnies si le Congrès n'adopte pas une lourde taxe sur les énormes profits. Quatre jours plus tard, il appelle ses compatriotes « à agir au plus vite et à s'unir pour que les mille milliards de dollars de bénéfices immérités ne soient pas abandonnés à ces compagnies ».

Finalement, le Sénat adopte le 27 mars 1980, par 66 voix contre 31 et dans les mêmes termes que la Chambre des représentants, le projet de loi en question. Les profits supplémentaires réalisés par les grandes compagnies sur le pétrole découvert avant 1979 et vendu au-dessus de 13 dollars le baril seront donc taxés à 70 %.

Fragilité

De crise en crise, l'année a vu mourir ce qu'il était convenu d'appeler la détente entre les États-Unis et l'URSS. Les proportions que prennent, dans le courant de l'été, certains incidents d'un intérêt relativement limité à l'origine témoignent d'ailleurs de la fragilité des relations américano-soviétiques.

Ainsi, les deux pays en viennent à s'affronter, à partir du 24 août 1979, à propos de l'épouse d'un danseur du Bolchoï, Alexandre Godounov, qui a obtenu le droit d'asile aux États-Unis. La jeune femme, Lioudmila Vlassova, est emmenée par ses compatriotes à l'aéroport Kennedy de New York afin qu'elle puisse rentrer chez elle. Les autorités américaines, considérant qu'elle est peut-être rapatriée contre son gré, décident d'empêcher le décollage de l'appareil de l'Aeroflot. Lioudmila Vlassova finira par regagner l'Union soviétique après trois jours d'âpres négociations.

Quelques jours plus tard éclate l'affaire de la brigade soviétique de combat basée à Cuba. Le 1er septembre, en effet, le Département d'État confirme les révélations faites peu auparavant par le sénateur Frank Church sur la présence dans l'île d'une unité de l'armée rouge forte de 2 000 à 3 000 hommes et équipée d'éléments blindés et d'artillerie. Cette brigade, admet Cyrus Vance le 5 septembre, est stationnée à Cuba « depuis le milieu et peut-être même le début des années 70 ». Mais, ajoute le secrétaire d'État, il s'agit d'une « très sérieuse affaire » et les États-Unis n'ont pas l'intention d'accepter le maintien du statu quo.

Carter s'efforce cependant de dédramatiser l'affaire : « Le temps est à une diplomatie ferme », dit-il, mais il ne faut pas céder « à la panique ou à l'exagération ». Après divers entretiens entre Vance et le ministre soviétique des Affaires étrangères, Andreï Gromyko, Carter affirme, le 1er octobre, dans une allocution télévisée, que la présence de la brigade de combat à Cuba ne constitue pas une raison suffisante « pour en revenir à la guerre froide », mais indique que la présence militaire américaine va être renforcée dans les Caraïbes.

Entre-temps, le chef de l'exécutif a annoncé, le 7 septembre, que 200 missiles mobiles intercontinentaux MX allaient être installés dans l'ouest du pays, sur des plates-formes qui seront déplacées régulièrement pour ne pas être vulnérables. Même si elle n'est pas en contradiction avec le contenu des accords SALT-2 signés le 18 juin 1979 par Brejnev et Carter à Vienne (Journal de l'année 1979-80) et auxquels Moscou a manifesté à maintes reprises son attachement, cette décision provoque, elle aussi, une réaction de mauvaise humeur de la part des Soviétiques.

Émeutes raciales en Floride : 15 morts

Miami est le théâtre, les 17 et 18 mai 1980, des plus graves émeutes raciales que les États-Unis aient connues depuis une douzaine d'années. Des scènes de violence et de pillage éclatent après l'annonce d'un verdict acquittant quatre anciens policiers blancs accusés d'avoir, en décembre, frappé à mort un motocycliste noir qui avait, semble-t-il, brûlé un feu rouge. Bilan des deux nuits d'émeutes : 15 morts et quelque 200 blessés. Une autre source de tension est l'arrivée en Floride, à partir du 21 avril 1980, de dizaines de milliers de Cubains. L'afflux de ces réfugiés, outre les problèmes qu'il pose aux autorités américaines, donne lieu à divers incidents, notamment dans le camp de transit de Fort Chaffee (Arkansas), où des affrontements opposent, le 1er juin, des immigrés et la garde nationale.

SALT-2

Les accords sur la limitation des armements stratégiques font en tout cas les frais de la dégradation continue des rapports entre les deux grandes puissances. En juillet et en août, la bataille qui s'est engagée au Sénat pour la ratification de SALT-2 ne tourne pas à l'avantage de ses défenseurs. L'affaire de Cuba va fournir aux sénateurs le prétexte que la plupart d'entre eux attendaient pour ajourner (le 4 septembre) l'examen du traité. Par la suite, les efforts déployés par Carter et son gouvernement pour obtenir un vote favorable ne seront guère couronnés de succès, la commission de la Défense de la Chambre haute prenant notamment position contre la ratification, le 29 novembre.