La profession réplique qu'une pénurie éventuelle serait encore plus dangereuse pour le niveau des prix, ainsi que le démontre, en Allemagne occidentale, une reprise brutale l'an dernier après une dépression plus sévère qu'en France : les prix s'envolent et contaminent l'ensemble des prix de détail.

C'est un débat sans fin, envenimé, dans un contexte de chômage, par le recours aux travailleurs immigrés que supposerait une progression de l'activité du bâtiment et des travaux publics, à un moment où l'État encourage une réduction de l'effectif de main-d'œuvre étrangère. Pourrait-on substituer à cette dernière des travailleurs français et abaisser ainsi le taux de chômage ? Sans doute, mais à condition d'améliorer sensiblement les rémunérations et les conditions de travail — direction jugée alors inflationniste et incompatible avec la politique générale de l'État. Le bâtiment, lui, ne se fait guère d'illusion.

À l'exception de quelques régions et de quelques secteurs du marché, ce n'est pas en 1979 que se produira un retour à une activité normale.

Chimie

La guerre du naphta

L'industrie chimique va un peu mieux. Ce n'est certes pas le retour à la bonne santé des années précédant la crise pétrolière, mais, enfin, 1978 s'est mieux présentée que 1977, et en 1979 les affaires vont encore légèrement s'améliorer. En 1978, dans les pays occidentaux, la production a augmenté de 6,5 % aux États-Unis, de 5 % en Allemagne, de 4,6 % en France, de 3,5 % aux Pays-Bas, soit à un rythme légèrement supérieur à celui des produits nationaux bruts ; 1979 devrait confirmer cette tendance, même si, selon un récent pronostic du patron du vaste groupe allemand BASF, « ce sera une année agitée ».

En tenaille

Agitée en effet, car l'industrie chimique, et plus précisément la chimie organique (qui a fait la fortune du secteur pendant les années 60), se trouve prise en tenaille. Depuis plusieurs années, elle maîtrise mal ses débouchés, du fait des importantes surcapacités de production (de plastiques, de fibres synthétiques, de peintures). Le phénomène récent, c'est qu'elle n'est plus assurée de ses approvisionnements en matières premières (dérivés du pétrole brut), aussi bien sur le plan de la quantité que sur celui des prix d'achat.

Le début de 1979 a vu se déclencher, au niveau européen, une véritable guerre du naphta, dont les prix ont augmenté de 40 % en Allemagne, de 50 % en France, à la suite de leur récente libération. Cette tension n'a rien à voir avec les hausses ultérieures du prix du pétrole brut décidées par les pays de l'OPEP : elle tient d'abord à l'insuffisante capacité de production européenne par rapport aux besoins.

Une raffinerie de pétrole (qui a distillé du pétrole brut) sort autant de produits légers (gaz et naphta) que de produits lourds (gazole, fuel lourd, kérosène, etc.). Or, le premier de ces deux débouchés augmente beaucoup plus vite que l'autre. Il en résultera un déséquilibre technique du marché (et donc une hausse du prix du naphta) tant que les raffineries ne seront pas « converties », comme on dit, de manière à modifier ces pourcentages en faveur des produits légers.

Facteur de déséquilibre

À cette première source de tension sur les prix s'en ajoutent d'autres : d'abord, il y a moins de naphta disponible sur le marché mondial qu'il y a encore un an. Démontant leurs installations, jugées trop polluantes, les Japonais raflent toutes les quantités disponibles, notamment chez les producteurs de pétrole. Et puis, les Soviétiques ont réduit leurs livraisons.

Le dernier facteur de déséquilibre tient à l'utilisation faite du naphta produit par les raffineries de pétrole. Il peut être soit craqué (pour en faire l'éthylène ou le propylène nécessaires à l'industrie chimique), soit réformé (pour devenir du benzène), soit raffiné (pour être transformé en essence). L'augmentation constante de la consommation d'essence (à laquelle les pétroliers sont très sensibles du fait de leur réseau de pompes), la forte demande de benzène de la part des Américains pour apurer leur essence automobile ont fait du craquage la victime des deux autres débouchés.