Bref, la matière première de l'industrie pétrochimique devient rare et chère. Et les hausses des prix de l'OPEP ne font qu'aggraver ce phénomène.

Du coup, les producteurs de plastiques et de fibres synthétiques font tout pour relever leurs prix de vente. Commentaire de Jean Gandois, dans un communiqué du mois d'avril 1979 : « Nous ne pouvons pas accepter de laisser se développer de nouvelles hémorragies, alors que nous sommes engagés dans des actions intensives de rétablissement de la rentabilité de nos secteurs textiles et polymères. » Il faut dire que, sous le commandement de Jean Gandois, Rhône-Poulenc est en pleine révolution : reconversion accélérée et réussie de ses unités vétustés, renforcement de sa division santé, offensive internationale dans les arts graphiques avec le rachat de la société américaine Anken, diversification vers la biochimie, l'électronique, le spatial. D'ailleurs, en 1978, le groupe a réussi à dégager 250 millions de F de bénéfice net : un résultat incontestable, même s'il ne représente que 1 % de son chiffre d'affaires.

Mais l'excédent européen des capacités dans les fibres (en France, on en produit 12,5 % de moins qu'en... 1973 !) et dans certains plastiques, comme le PVC et le polypropylène, fait que les industriels auront du mal à convaincre leurs clients d'accepter des hausses qui, entre décembre 1978 et avril 1979, ont atteint 40 % pour le PVC, 70 à 80 % pour le polystyrène. Les utilisateurs (transformation de plastique, textiles) sont de plus en plus tentés de s'approvisionner auprès des pays de l'Est, voire des États-Unis, dont les prix n'ont pas subi la même hausse. On doute que l'industrie chimique parvienne à consolider les hausses récentes. Les excédents de capacité rendent leur initiative bien fragile : un franc-tireur peut faire s'écrouler l'édifice.

Bref, malgré la meilleure tenue du marché, on comprend les inquiétudes du Dr Seefelder, patron de la BASF. En dehors des secteurs sûrs comme, par exemple, la pharmacie, les cosmétiques et les pesticides, la grosse chimie, celle qui coûte cher à installer, n'a pas encore retrouvé le chemin des profits d'antan.

Textiles

L'adversaire est à nos frontières

Quand les étudiants de demain voudront comprendre les forces et les faiblesses de l'industrie textile dans un pays développé, il leur suffira d'examiner l'année 1978 en France : elle est en tout point exemplaire. La consommation d'articles textiles a augmenté de 0,6 %, soit cinq fois moins vite que la consommation générale des ménages. À côté de ce marché intérieur déprimé, les exportations ont augmenté de 6 %. Mais, du fait d'une hausse plus forte des importations, le déficit de notre balance commerciale est passé de 250 millions à 1 milliard de F. Non pas du fait de la pression des pays en voie de développement (leurs ventes sont bien encadrées par l'« accord multifibres » de 1978 : elles ont baissé de 2 % l'an dernier).

Notre pire ennemi est à l'intérieur de la CEE : c'est l'Italie, passée en trois ans du rang de troisième à celui de premier fournisseur et qui nous vend pour 2 milliards de F de plus qu'elle ne nous achète. Les industriels français ont d'ailleurs demandé aux autorités communautaires de se pencher sur le délicat dossier des prix de revient et des structures juridiques et financières des entreprises italiennes du secteur. Un dossier qui a peu de chances d'être ouvert. Au total, du fait de la pression permanente des importations (et du déstockage chez les clients), la production de l'industrie textile a baissé de 3 % en 1978, les effectifs (345 000) de 4 %.

Habillement

Dans l'habillement, il en va autrement : grâce à une hausse correcte — 12 % — de nos exportations, la balance commerciale française a été excédentaire de 2 milliards de F. En 1978, la production d'articles d'habillement a progressé de 2 %, et les effectifs (290 000) n'ont été réduits que de 0,7 %. Tout cela confirme, s'il le fallait, deux lois économiques observables depuis près de dix ans. La première : ni le textile ni l'habillement ne sont des marchés porteurs dans les pays développés. La deuxième : pour lutter contre la pression, non pas des pays en voie de développement mais des pays développés à bas coûts (l'Italie, l'Espagne, les États-Unis quand le dollar vacille), il faut se déplacer progressivement vers l'aval, là où l'on peut valoriser le style, la créativité, l'étiquette.