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Les bouleversements du marché conduisent les firmes à adapter leur stratégie

À temps nouveaux, comportements nouveaux. Voilà six ans (déjà !) que la guerre du Kippour a éclaté. Le renchérissement du pétrole qu'elle a provoqué et le ralentissement de l'activité internationale qui s'en est suivi font maintenant partie du décor. Les entreprises doivent s'en accommoder. Contraintes d'abandonner les habitudes laxistes engendrées par vingt-cinq ans d'expansion continue, elles commencent également à chasser les réflexes craintifs contractés au plus fort de la crise. L'euphorie d'avant-hier et l'accablement d'hier cèdent progressivement la place à la sérénité, teintée ici et là de médiocrité.

Face aux menaces durables qui pèsent sur leurs marges bénéficiaires et sur leurs marchés, les entreprises se ressaisissent en agissant dans deux directions : la compression de leurs coûts de revient et le redéploiement de leur activité.

Compte-gouttes

Comprimer les coûts de revient, c'est avant tout maîtriser la progression des salaires, poste principal du compte d'exploitation. D'où l'attention toute particulière accordée par les entreprises au volume de leurs effectifs. Faute de pouvoir (sauf exception) licencier en douceur, les firmes n'embauchent plus qu'au compte-gouttes et font largement appel au travail intérimaire. Rares sont celles qui, comme IBM-France, se payent le luxe de créer 1 000 emplois par an, ce qui représente 4 % de ses effectifs. À chiffre d'affaires égal, les entreprises emploient sensiblement moins de personnel qu'il y a cinq ans. C'est vrai dans les secteurs d'activité les plus dynamiques (automobile, aéronautique, électronique professionnelle), ce l'est encore plus dans les industries en perte de vitesse (sidérurgie, bâtiment, travaux publics). Aujourd'hui, si le chômage continue d'augmenter, c'est moins en raison de la mollesse persistante de la conjoncture que du souci croissant de productivité manifesté par les gestionnaires. D'autant que le dégraissage des effectifs ne pose généralement guère de problèmes (sauf pour les victimes, bien entendu), compte tenu à la fois de la quantité de salariés souvent en surnombre (on a peu licencié en 1974 et 1975) et du recours aux investissements dits « de productivité ».

Sous-traitance

Autre fait nouveau : l'utilisation plus systématique de la sous-traitance. Pendant longtemps, les chefs d'entreprise français hésitaient à confier à autrui ce qu'ils pouvaient faire eux-mêmes. Vieux réflexe individualiste ! Mais la crise leur a fait comprendre que la sous-traitance comportait deux avantages : faire venir, de l'extérieur, des sous-ensembles meilleur marché que s'ils étaient produits dans l'entreprise ; se servir du sous-traitant comme amortisseur des fluctuations de la demande, notamment au niveau des effectifs.

La réduction des endettements est devenue également un impératif catégorique. Pendant les années de vaches grasses, s'endetter était une formule miracle, puisque, grâce à ce que les financiers appellent l'effet de levier, les fruits d'un investissement acheté à crédit remboursaient largement l'emprunt effectué pour la circonstance. Cette fuite en avant a valu de sérieux ennuis, lorsque la conjoncture s'est retournée, aux entreprises qui avaient trop tiré sur la ficelle. Exemple : la déconfiture de Poclain, le roi de la pelle hydraulique, qui a dû se vendre aux Américains pour éviter la faillite.

Désormais, les firmes veillent à ce que le service de la dette ne pèse pas exagérément sur leurs comptes d'exploitation. Elles y arrivent d'ailleurs partiellement, puisque, entre 1975 et 1978, la masse des intérêts qu'elles payent annuellement est tombée de 7,7 % à 7 % de leur valeur ajoutée.

Grâce à ces mesures d'ordre interne, auxquelles on pourrait ajouter une meilleure gestion des approvisionnements, des stocks et de la trésorerie, les entreprises ont sensiblement réduit leurs prix de revient. Mais encore leur faut-il trouver des débouchés. D'où les efforts fournis en matière de diversification et de délocalisation, autrement dit de redéploiement.

Diversification

La diversification peut se faire à deux niveaux : soit en abandonnant les productions déficitaires, soit en se lançant dans des activités plus rentables. Un bon exemple du premier cas de figure est la décision prise par Rhône-Poulenc, fin 1977, de reconvertir sa divison Fibres qui lui valait plusieurs dizaines de millions de F de pertes par an. On peut citer également l'abandon de leurs activités Filature-tissage par DMC et Agache-Willot, et la cession aux Chantiers de l'Atlantique par la CGE d'une partie d'Alsthom.