Mais de quels logements s'agit-il quand une demande non satisfaite importante coexiste avec de grands ensembles sous-occupés et des lotissements difficiles à commercialiser ? En fait, les besoins se sont diversifiés par rapport à la période précédente de pénurie massive. Les exigences de qualité et de localisation se font plus sévères : on ne veut plus habiter n'importe où ni dans n'importe quelles conditions. Par ailleurs, malgré l'élévation du niveau de vie, le coût de la construction a repris en 1978 une progression plus rapide que celle de l'indice général des prix, qui commande celui des ressources des ménages, et la promotion immobilière se heurte à une insolvabilité croissante du marché.

La demande se porte désormais sur deux pôles extrêmes. La maison individuelle bénéficie d'une grande stabilité dans les zones rurales, au voisinage des villes moyennes et répond aux besoins du marché, qui demeure en expansion, de la résidence secondaire. Si ce secteur ne progresse plus, les raisons en sont la rareté des terrains aux abords des villes et, surtout, la cherté croissante des sols aménagés et le coût, peu réductible, de l'entretien des voiries et des réseaux toujours plus important pour un habitat dispersé que pour un habitat dense. Les formules de logements individuels groupés, en bande, se développent afin d'alléger la charge foncière et permettent aux grandes entreprises du bâtiment d'accéder à ce secteur dont leurs frais généraux et de bureaux d'études les écartaient jusqu'à présent.

C'est à propos de l'habitat collectif qu'il est question aujourd'hui de pénurie renaissante. Celui-ci, en termes de mises en chantier, a de nouveau baissé de 17 % en 1978 et les prévisions 1979 ne sont pas meilleures, malgré la croissance évidente des besoins.

Les logements (et locaux professionnels) de centres-villes sont de plus en plus recherchés alors que leur parc est nécessairement limité. Les jeunes ménages sont également attirés par l'habitat collectif qui, seul, leur offre une possibilité de location (les sociétés immobilières répugnent à louer des pavillons que leur dispersion rend difficiles à gérer) conforme à leurs disponibilités financières. Mais on distingue alors les bons programmes, bien desservis, et les mauvais que leur éloignement des centres d'activité fait rejeter.

Il n'y a guère de solution pour cette crise des logements collectifs, sinon sociale, c'est-à-dire découlant d'une démarche politique. Or, l'État, qui a participé longtemps, sous forme d'aides diverses à la promotion de l'habitat collectif, s'en est écarté en 1978 en substituant à l'aide au logement une aide à la personne qui déroute actuellement les promoteurs, qu'ils soient sociaux ou non. Des villes, qui voient s'accumuler des demandes de logements locatifs, sollicitent en vain la promotion traditionnelle qui hésite à courir un risque financier devenu trop lourd et un risque commercial accru par la précarité de la situation des personnes.

Marchés étrangers

Les grandes entreprises du bâtiment, que la défaillance de la promotion prive de chantiers à leur mesure en France, ont poursuivi l'an dernier leurs efforts de pénétration sur les marchés étrangers, notamment dans les pays en voie de développement où elles ont obtenu des succès non négligeables. Succès, hélas, érodés par les événements imprévisibles d'Iran, qui ont gravement affecté les comptes financiers de certaines sociétés. Malgré cet accident, les contrats extérieurs de génie civil, de travaux publics, de bâtiments industriels et d'habitation entrent pour une part importante dans l'activité de ces grandes entreprises, et pour une part plus décisive encore dans leurs résultats bénéficiaires. Ils ne devraient pas fléchir en 1979, la hausse des prix du pétrole et des matières premières fournissant aux pays clients des capacités d'achat supplémentaires.

Quoi qu'il en soit, pour une activité de travaux plutôt que de produits, les marchés étrangers sont trop aléatoires pour compenser les faiblesses d'un marché intérieur qui demeure le seul accessible aux nombreuses petites et moyennes entreprises constituant l'essentiel de la profession.

Pas d'illusion

L'évaluation des besoins en logements neufs ou rénovés à 450 000 unités par an n'est pas contestée. Mais la solvabilité insuffisante de nombreux ménages suppose des transferts financiers auxquels répugne un État engagé dans une lutte, longue et indécise, contre l'inflation. Ce dernier, s'appuyant sur la hausse du coût de la construction, sur celle des terrains dans certaines agglomérations (20 % en 1978), réitère ses accusations contre le caractère inflationniste du bâtiment.