Entre-temps, la nouvelle Chine exprime autrement ses intentions démocratiques. En août 1978, sont rétablis les privilèges des Chinois d'outremer ou de ceux qui reçoivent des fonds de parents établis à l'étranger (de 150 à 200 millions de dollars en 1977) : maisons récupérées, achats sans tickets dans des magasins mieux approvisionnés et surtout possibilité d'investir des capitaux.

La municipalité de Pékin ordonne, en décembre, la restitution des maisons confisquées à leurs propriétaires. Le mois suivant, partout en Chine, restitution des biens des anciens capitalistes et versement des intérêts correspondant aux années de confiscation. À quoi s'ajoutent d'autres avantages pas uniquement matériels : les enfants de bourgeois, intellectuels ou possédants, perdent leur étiquette et récupèrent leurs droits de citoyens, les capitalistes sont représentés par l'un des dix partis démocratiques de la Conférence consultative du peuple qui se réunit régulièrement avec des responsables de quatre religions : catholiques, protestants, musulmans, bouddhistes. L'État prenant en charge la restauration des temples, mosquées ou églises, parfois rouvertes au culte : en exil volontaire en Inde depuis 20 ans, le Dalaï-lama est invité à rentrer au Tibet avec les honneurs, et un retour des jésuites français à l'université Aurore de Shanghai semble souhaité.

Relance du pinyin

Depuis le 1er janvier 1979, « les noms individuels et géographiques chinois sont transcrits dans les langues étrangères en caractères romains selon le pinyin chinois en mettant un terme au système Wade ». Ainsi, l'agence Chine nouvelle annonce une autre étape d'une réforme étudiée depuis l'avènement de la République populaire en 1949, adoptée par l'Assemblée nationale en 1958, écartée par la révolution culturelle, relancée en 1972 (Journal de l'année 1972-73) et imposée en 1979 comme indispensable aux 4 modernisations.

Aujourd'hui, une solution devient urgente pour la Chine, que ses ambitions condamnent à se moderniser très vite et à communiquer par des machines à écrire, incapables d'absorber des milliers d'idéogrammes, par le télégraphe, le télex, l'ordinateur, les cartes de géographie, les marques de fabrique, la publicité, les langages internationaux des sciences et des techniques, etc. Moyen de communication et de modernisation à usage interne aussi, pour mieux tenir à jour état civil, statistiques, etc., mieux développer l'usage et unifier la prononciation de la langue pékinoise commune, le putonghua, etc. Cependant, mis à part quelques sous-titres sur des plaques de rues ou dans les journaux, le pinyin ne semble gagner un peu que chez les très jeunes, auxquels on offre des petits jeux de cartes illustrés pour les entraîner aux prononciations figurées.

Succès diplomatique

Les encouragements répétés au capitalisme patriotique se doublent d'un appel aux capitaux étrangers sous forme d'investissements ou d'emprunts à des groupes de banques ou même à des gouvernements. Ce qui oriente un peu plus la nouvelle Chine vers un néo-capitalisme fait pour séduire les hommes d'affaires internationaux, qui rêvent à l'immense marché de presque un milliard de consommateurs qui semble vouloir s'ouvrir plus encore qu'on ne l'espérait.

Sur ce terrain propice, Deng remporte, coup sur coup, deux victoires diplomatiques majeures, malgré l'opposition soviétique dans chaque cas : le traité de paix et d'amitié signé le 12 août 1978 avec l'ancien ennemi no 1, le Japon, et la normalisation complète des relations avec les États-Unis annoncée le 15 décembre. Deux événements retardés depuis six ans par une clause que la Chine finit par obtenir des Américains comme des Japonais : la condamnation de l'« hégémonisme », visant l'URSS.

Washington ne fait qu'accélérer un peu une normalisation prévue pour 1979 (Journal de l'année 1977-78), afin de rééquilibrer plus vite certaines défaites diplomatiques du président Carter, comme la chute du chah d'Iran où l'on veut voir la main de Moscou.

Conjoncture apparemment si favorable que Deng bat le fer tant qu'il est chaud : au retour de sa tournée triomphale aux États-Unis et au Japon, il prend le risque calculé de déclencher, le 17 février 1979, à la frontière du Viêt-nam, une contre-offensive « punitive » qu'il avait annoncée clairement à qui voulait bien l'entendre à Washington et Tokyo et qu'il replie après deux semaines. Et Moscou bronche à peine. Les dirigeants soviétiques protestent davantage lorsque, le 3 avril, Pékin abroge le traité sino-soviétique de 1950 qui devait expirer en 1980, mais ils se contentent de demander des précisions lorsqu'en même temps les Chinois leur proposent de nouvelles négociations.

L'anti-hégémonisme

Selon le vocabulaire des dirigeants chinois, toute condamnation de l'hégémonisme vise l'URSS, l'« hégémonisme régional » étant une intention plutôt prêtée au Viêt-nam. Moscou a donc pris pour une attaque directe et le monde entier pour une victoire diplomatique chinoise la condamnation de l'« hégémonisme » obtenue par Pékin à la fois des Japonais et des Américains qui, les uns et les autres, ont dû vaincre de fortes réticences. Ainsi l'article 2 du traité sino-japonais précise : « Les hautes parties contractantes déclarent qu'aucune d'entre elles ne tentera d'imposer son hégémonie dans la partie orientale du Pacifique ni dans aucune autre région, et que chacune d'elles s'opposera aux efforts que déploierait une nation ou un groupe de nations pour imposer une telle hégémonie. » Quatre mois après la signature de ce traité, le communiqué conjoint sino-américain reprend presque mot à mot ce paragraphe ainsi complété (à la demande de Washington, sans doute) : « Les deux parties souhaitent réduire le danger d'un conflit militaire international (...). Aucune n'est disposée à négocier au nom d'une tierce partie, quelle qu'elle soit, ni à parvenir avec l'autre partie à un accord ou à une entente dirigée contre d'autres États. »