À ces textes s'ajoutent les précisions données au cours de sa conférence de presse par le président Hua lui-même, évoquant, sur ce point, le parallèle entre le traité avec le Japon et l'accord avec les États-Unis : « ... dirigés contre personne... Il n'est question ni d'axe ni d'alliance... mais, indubitablement, ils contribueront à la lutte antihégémonique des peuples du monde... à la fois contre les grandes et les petites hégémonies... Nous sommes opposés aussi bien aux hégémonies globales que régionales ».

Rodéo texan

Le 15 décembre 1978, la normalisation des relations sino-américaines est annoncée simultanément à Washington par le président Carter et à Pékin par son homologue, le discret président Hua Guofeng, qui, pour la première fois dans l'histoire de la Chine, donne une conférence de presse, rappelant ainsi qu'il est et reste le numéro 1. Cependant, c'est Deng qui fait la une de tous les journaux du monde, et le magazine américain Time le sacre homme de l'année comme Zhou Enlai en 1972, année de la première visite à Pékin du président Nixon. Pendant que le petit homme obtient son plus grand succès en coiffant un chapeau de cow-boy au cours d'un rodéo texan, les affaires vont bon train.

Déjà, le 19 décembre 1978, à peine quatre jours après la proclamation solennelle, Coca-Cola annonce la signature d'un contrat, négocié depuis un an, lui donnant l'exclusivité de l'approvisionnement de toute la Chine en boissons gazeuses. Y compris la construction à Shanghai d'une usine produisant 2 millions de caisses par an.

Enfin, les possibilités entrevues déclenchent sur Shanghai, Guangzhou (Canton) et Beijing (Pékin) une ruée d'hommes d'affaires, pas assez attentifs à l'estimation d'un institut japonais qui, dès janvier 1979, chiffre à 200 milliards de dollars les besoins (et non les moyens) de la Chine pour se moderniser jusqu'en 1985. Ils sont donc surpris par la douche froide du début de mars : d'un seul coup, la Chine annule plus de 20 contrats avec le Japon (pour 2 ou 3 milliards de dollars) ; ainsi est reportée sine die la réalisation du projet de passage d'une production d'aciérie de 2,5 à 6 millions de t par an prêt à être exécuté.

Le monde s'interroge, évoque la brève, mais peut-être coûteuse guerre du Viêt-nam qui se termine. Les machiavéliques prétendent que, les signatures étant échangées avec Tokyo et Washington, Pékin n'a plus à feindre une séduction commerciale et peut revenir à un vrai réalisme.

Oui à la publicité

Le jour de la fête du printemps, fin janvier 1979, la publicité fait son apparition sur les petits écrans de Télé-Shanghai. Elle vante un produit chinois : un fortifiant aux vertus rajeunissantes, concurrencé par un nouveau produit japonais moins cher mais moins naturel, dit-on. Étape suivante, la publicité pour les produits étrangers à la conquête de l'immense marché chinois. Avec, parmi les premiers inscrits, des couturiers français. Avant de gagner les autres métropoles chinoises, cette résurrection commence logiquement par Shanghai, hier encore vaste carrefour international. À la mi-février, l'agence Chine nouvelle et l'hebdomadaire Pékin information, surtout destiné aux étrangers, annoncent en même temps la reprise d'activités (... « après 13 ans de suspension »... soit depuis 1966, an I de la révolution culturelle) de l'Agence de publicité de Shanghai qui exploite journaux, revues, radio, télévision, panneaux de voitures et de navires, enseignes lumineuses, programmes de cinéma, etc. Ainsi, la propagande politique perd son exclusivité de l'espace... À l'exclusion du célèbre Quotidien du peuple, organe du parti communiste, de nombreux journaux ont déjà dit « oui ». C'est le Quotidien des ouvriers, organe de la fédération des syndicats, qui ouvre le feu le 20 mars, avec une page entière achetée par la firme japonaise Toshiba.

Améliorer le niveau de vie

Quoi qu'il en soit, tous les comptes ayant été faits, c'est sans doute un retour à la raison, auquel n'est peut-être pas étrangère la réhabilitation de l'économiste Chen Yun, redevenu en décembre 1978 vice-président du parti. D'ailleurs, la presse confirme la réorientation de la politique économique en contestant le slogan de l'année précédente « prendre l'acier comme axe » pour insister sur deux priorités : agriculture et industrie légère, c'est-à-dire industrie de consommation et d'équipement des ménages, pour « améliorer le niveau de vie de la population ». Objectif confirmé par une commande de 200 000 mini-téléviseurs noir et blanc. Japonais, évidemment.