Née des émeutes réprimées de la place Tien Anmen, le 5 avril 1976 (Journal de l'année 1975-76), cette anti-révolution culturelle aujourd'hui encouragée s'exprime aussi par des dazibaos (affiches manuscrites) qui partent du centre de Pékin pour gagner différents quartiers, de la façade du Quotidien du peuple au grand carrefour Xidan, bientôt baptisé Mur de la démocratie. S'y côtoient des plaidoyers pour le respect des droits de l'homme, l'indemnisation des prisonniers, l'amitié sino-américaine ou même sino-israélienne ou encore la proclamation de « 1979 : année de la libération sexuelle ». Sont affichées aussi des revues plus ou moins contestataires, aux titres parfois anglais : Today (« Aujourd'hui ») ou Spring of Peking (« Le printemps de Pékin »).

Nouveau degré de l'escalade, à la mi-novembre apparaissent les premières critiques contre Mao lui-même, à deux pas de son mausolée encore tout neuf. Les groupes s'échauffent, des manifestations vraiment spontanées s'organisent avec des mécontents, victimes ou pauvres, venus de lointaines provinces déposer des réclamations et qui se heurtent aux sentinelles de la résidence toute proche des dirigeants, à l'abri de l'enceinte du palais impérial.

Les troubles les plus violents éclatent à Shanghai au début de février 1979 : des jeunes instruits citadins qui refusent de rester à la campagne bloquent des trains, occupent des bureaux... Situation aggravée par une délinquance naissante, les premières menaces de chômage et les pièges d'une société de consommation qui se cherche.

Les limites de la liberté

Faisant suite à une directive en 19 points diffusée le 1er décembre 1978 par le Comité central du parti communiste, un communiqué inspiré par ce même Comité central est publié, le 31 mars 1979, par le Comité révolutionnaire de Pékin. Il rappelle notamment : « Il est interdit de provoquer des troubles en pratiquant la démagogie parmi les masses, de lancer des accusations fausses et diffamatoires... d'afficher des dazibaos, journaux muraux ou autres placards ou slogans sur les murs des rues, des bâtiments publics et autres, à l'exception des endroits réservés à cet usage... » De toute façon sont interdits « ... les dazibaos, affiches, livres, revues, albums, photographies, cartes qui vont contre le socialisme, la dictature du prolétariat, la direction du parti communiste, le marxisme-léninisme et la pensée de Mao Zedong ou qui révèlent des secrets d'État. Tout citoyen doit obéir aux ordres de la police »... que les masses populaires sont invitées à aider. Si la persuasion est insuffisante, des arrestations seront décidées « aux fins d'enquêtes judiciaires » et des sanctions prises « conformément à la loi »... « Le petit nombre de saboteurs actifs, de contre-révolutionnaires, d'assassins, d'incendiaires, de voleurs, de violeurs, de cambrioleurs, de spéculateurs et autres malfaiteurs... seront châtiés avec fermeté. » Texte révélateur d'une délinquance devenue violente et qui semble donner aux responsables de l'ordre un prétexte pour confondre avec elle une authentique contestation publique.

Mise en garde

Longtemps frustrés, les Chinois se ruent sur les boutiques, les librairies, les restaurants, les coiffeurs qui frisent et, parfois, décolorent les cheveux noirs des jeunes même des garçons, lesquels élargissent le bas de leurs pantalons, cintrent d'un élastique le dos de leurs bleus de travail, fréquentent les bals ressuscités, fument, boivent.

Comme Mao dix ans plus tôt, l'habile Deng doit rattraper les chiens qu'il a lui-même lâchés, dit-on. Dès le début de décembre 1978, le Comité central du parti réagit et, après un discours de mise en garde du responsable Deng, inspire la publication, le 31 mars 1979, d'un communiqué très dur du Comité révolutionnaire de Pékin. Suivent l'arrestation de quelques orateurs et colleurs d'affiches jugées inadmissibles et le nettoyage de tout sauf du Mur de la démocratie, où ne pourront être collés que des dazibaos acceptés par les policiers mêlés aux badauds. Tout cela pour prévenir d'éventuelles manifestations à la veille du 3e anniversaire des émeutes du 5 avril.