La satisfaction est officiellement de rigueur et c'est non sans surprise que les délégués occidentaux du Comité des droits de l'homme des Nations unies entendent, le 30 janvier 1978, le rapport présenté par Otto Kunz, directeur de l'Institut gouvernemental de recherches juridiques de Prague : « La loi fondamentale du pays protège les droits civils et politiques des citoyens plus que ne le prévoit la Convention internationale sur ces mêmes droits. » Pourtant, le simple port par les jeunes de tee-shirts ornés de l'Union Jack ou du Star and Stripes est sévèrement condamné par l'organe officiel du PC, Rude Pravo.

Anecdote, peut-être, mais elle démontre le souci du détail face à la mobilisation engagée contre ces « éléments antisociaux » que sont les signataires de la Charte 77 et leurs amis. Ceux-ci sont accusés de « perturber l'ordre socialiste et les intérêts des travailleurs » ou de « compromettre le développement de la coopération pacifique internationale ».

Procès

Bien que les autorités reconnaissent implicitement qu'en signant la Charte les signataires ne sont pas placés dans l'illégalité, vexations, brimades et poursuites en justice se multiplient contre eux.

Le 26 septembre, Ales Machacek, 30 ans, agronome, et Vladimir Lastuvka, 35 ans, ingénieur physicien, tous deux diffuseurs de la Charte, sont accusés devant le tribunal d'Usti-Nad-Labem, en Bohême du Nord, de subversion. Ils sont condamnés chacun à trois ans et demi de prison. Moins d'un mois plus tard, le 17 octobre 1977, s'ouvre à Prague le procès de quatre autres défenseurs de la Charte (qui rassemble aujourd'hui près de mille noms) : Jiri Lederer, déjà condamné en 1972, Frantisek Pavlicek, dramaturge, Vaclav Havel, écrivain, et Ota Ornest, ancien directeur de théâtre et le seul à n'avoir pas signé la Charte.

Tous quatre sont accusés de « subversion contre la République », charge que seul Ota Ornest reconnaîtra. Ce dernier est condamné à trois ans et demi de prison, mais sera libéré sous condition six mois plus tard. J. Lederer est condamné à trois ans de prison, les deux autres à des peines assorties du sursis. À noter qu'aucun témoin n'a été entendu au cours du procès, ce qui provoque de nombreuses protestations dans le monde ; à cette occasion, le correspondant de l'Humanité se voit refuser l'entrée du tribunal.

Cette répression n'empêche pas les signataires de la Charte (deux nouveaux porte-parole, la chanteuse Marta Kubisova et le philosophe Vladislav Nejdanek, sont venus s'adjoindre à l'ancien ministre des Affaires étrangères Jiri Hajek) de publier, le 20 novembre 1977, un nouveau document, le 13e. Ses auteurs y dépeignent notamment la situation de la musique populaire dans le pays, signalant qu'on ne peut se produire sur scène que par l'intermédiaire des agences d'État. Ce qui contraint les artistes à une allégeance de fait à la « conscience politique » dictée par le pouvoir.

J. Sabata, l'un des porte-parole de la Charte, est assigné à résidence ; en compagnie de M. Kubisova et V. Nejdanek, il dénonce, dans un document adressé à l'Assemblée fédérale, les conditions de détention préventive de vingt à trente mille personnes soupçonnées de dissidence.

La visite de L. Brejnev, le 30 mai 1978, provoque une vague d'arrestations.

Les autorités ne peuvent ignorer cette dissidence qui persiste chez les intellectuels et dans une large couche de la population. Personne n'a oublié les espoirs nés du printemps de Prague (Journal de l'année 1968-69), dont le 10e anniversaire est évidemment passé sous silence par le pouvoir officiel. Si le pouvoir a pris conscience de la situation, il n'en continue pas moins à rendre la vie intenable à certains dissidents, afin de les inciter à l'exil. Et pour parfaire son action psychologique, il laisse même entendre que des opposants, liés aux signataires, prépareraient une action terroriste d'envergure.

Plan

Le grand problème auquel se trouve confronté le gouvernement est de nature économique. Pour la deuxième année consécutive, les résultats du Plan sont inférieurs aux prévisions.