– Le 18 décembre, une super-Caravelle de la compagnie genevoise Sata rate son atterrissage à Madère : 36 morts.

– Le 2 mars 1978, un nouvel enlèvement, mais du style macabre, émeut la Suisse et le monde. Des inconnus ont pénétré dans le cimetière du village de Corsier, au-dessus de Vevey. Ils ont ouvert une tombe et emporté le cercueil et les restes de Charlie Chaplin. La dépouille est retrouvée, le 17 mai, non loin de là, près du village de Noville, enfouie dans un champ. Les deux malfaiteurs — un Polonais et un Bulgare qui bénéficiaient de l'asile politique à Lausanne — espéraient une forte rançon. Ils sont arrêtés grâce à un piège téléphonique monté par la police.

– Le 12 mars, une grosse avalanche se décroche au-dessus de la station de ski des Mosses, dans les Préalpes vaudoises. Les envoyés spéciaux de la presse internationale suivent les efforts des sauveteurs. On parle de 60 personnes ensevelies. Les jours passent et — happy end qu'on doit signaler aussi — le bilan de la catastrophe est établi, proprement ahurissant : en dépit de la foule qui avait envahi le champ de neige, et contrairement aux témoignages les plus formels, il n'y a pas une seule victime.

– Le mois d'avril est marqué par deux libérations. Le 7, en Bulgarie, après neuf mois d'incertitude et de pourparlers diplomatiques, les autorités relâchent un chauffeur de poids lourd, Michel Kursner, impliqué dans un accident qui avait fait 5 morts Ses juges l'avaient condamné à huit ans de prison. Et, le 17 avril, c'est le retour du jeune André Kümmerling, enlevé par des rebelles au Tchad, où il se trouvait en compagnie d'un camarade français, Christian Masse.

Le 19 mai 1978, on annonce la mort de deux autres délégués du CICR (après celle de Louis Gaulis tué au Liban), le Genevois André Tièche et le Lausannois Alain Biéri, abattus en Rhodésie en même temps que leur interprète africain. Tous trois revenaient d'une mission accomplie près de la frontière du Mozambique.

Terrorisme

À travers leurs frontières, les Suisses perçoivent aussi les grondements d'orage du terrorisme qui sévit outre-Rhin puis outre-Gothard. Le 5 août 1977, ils extradent une extrémiste italienne, Petra Krause, qui se trouvait dans les geôles zurichoises sous l'inculpation de vol et de détention d'armes et d'explosifs. Le 13 octobre, sur territoire français, on retrouve le cadavre déchiqueté de l'aspirant officier Fluckiger, en service à Bure (Ajoie) qui aurait pu — mais on ne l'a pas prouvé — s'être égaré lors d'une course d'orientation nocturne et tomber sur une cache des ravisseurs du patron des patrons allemand, Hanns Martin Schleyer. Un autre Suisse a d'ailleurs été mêlé, de façon très différente, à cet enlèvement : l'avocat genevois Denis Payot, qu'avait désigné le gouvernement de la République fédérale pour servir d'intermédiaire avec la bande à Baader et qui n'a pas pu éviter la sanglante issue.

Le 20 décembre, enfin, la police bernoise arrête, à Delémont, deux terroristes allemands, Christian Möller et Gabriele Kröcher-Tiedemann, qui semblent avoir participé, deux ans plus tôt, à l'attaque menée contre le siège viennois de l'Opep. Interceptés à la frontière franco-suisse, ils ont ouvert le feu et blessé deux douaniers.

La violence — pour l'instant — reste assez lointaine. La Confédération, qui craint son approche, entend néanmoins se prémunir. Le 22 août, Kurt Furgler propose la création d'une police fédérale de sécurité. Il s'agira, en fait, de prélever temporairement un millier d'hommes dans les corps de police cantonaux, de leur donner une formation spéciale et de les doter d'un armement (hélicoptères et blindés) qui leur permettrait tout à la fois de lutter contre les attentats, de briser une émeute ou de protéger les aéroports, les missions diplomatiques, les centres nerveux du pays.

Ce projet se heurte immédiatement à deux virulentes oppositions : l'une, qui se situe à gauche, accuse le gouvernement de faire un premier pas vers un État policier ; l'autre, qui se situe à droite, estime que le maintien de l'ordre doit rester de la compétence des cantons.

Symbole

La controverse provoque le lancement de trois référendums simultanés, et finira donc par un scrutin populaire à la fin de l'année 1978. Elle traduit, une fois de plus, les difficultés que rencontre l'État dans l'accomplissement — judicieux ou maladroit — de sa mission. La révolte larvée des citoyens, ou du moins de leur frange active, reste, à travers les fluctuations politiques, une donnée constante.