Deuxième changement significatif : pour la première fois, un ministre adjoint aux Régions est désigné ; il s'agit de Manuel Clavero Arevalo. Cette création a été motivée par la poussée autonomiste révélée par les élections et qui s'est manifestée avec le plus d'éclat en Catalogne, où les autonomistes, bien que répartis en factions rivales, ont enlevé la quasi-totalité des sièges.

Enfin, troisième innovation : la nomination d'Ignacio Camunas comme ministre-adjoint des Relations avec le Parlement. Le dynamisme de ce jeune loup, diplomate et homme d'affaires, ne sera pas inutile pour instaurer des rapports efficaces entre le gouvernement et les Cortes.

Avant même la formation du ministère, Adolfo Suarez s'est lancé dans la bataille, mais à sa manière : avec discrétion. Le temps presse. À Barcelone, les élus catalans, enivrés par leur succès électoral, s'agitent et exigent immédiatement la satisfaction de leurs revendications : le rétablissement du statut de la Généralitat de 1932, annulé en 1938 par Franco, et le retour d'exil de Josep Tarradellas, président de la Généralité.

Ni Juan Carlos ni le président du Conseil ne révèlent qu'ils sont déjà entrés en contact avec Tarradellas, qui doit arriver le 27 juin 1977 à Madrid, et que des experts sont penchés sur un projet d'autonomie provisoire. C'est ainsi que le 11 septembre, alors que des centaines de milliers de Catalans célèbrent joyeusement la Diada, la fête nationale, dans les rues de Barcelone, l'agence officielle Cifra publie le projet du décret d'autonomie. Cette nouvelle qui vient surprendre les élus de la Catalogne, couverts de confettis et de serpentins, les irrite prodigieusement. Voilà qu'on souscrit à leurs désirs avant même qu'ils les aient formulés complètement. On leur ôte leur raison d'être avec leur apothéose. Du coup, le vieux Tarradellas, dont ils revendiquaient il y a si peu le retour, leur apparaît être un aspirant à la dictature, un « de Gaulle », hasardent-ils maintenant ; et ils dénoncent le présidentialisme d'un organisme dont ils ne connaissent encore aucun détail.

Autonomie

Finalement les choses s'arrangent, chacun faisant des concessions, et, le 24 octobre, Adolfo Suarez vient introniser solennellement dans la capitale catalane Josep Tarradellas, président de la Généralité. Ce dernier aura la sagesse de constituer, le 5 décembre, un Conseil exécutif bien dosé, propre à ménager, pour un temps du moins, toutes les susceptibilités, qui sont grandes en pays catalan.

La réussite de l'expérience catalane doit inciter le gouvernement de Madrid à poursuivre la politique d'autonomie dans les différentes régions de l'Espagne. Et d'abord, le Pays basque. Mais là, les difficultés sont autrement ardues, l'une d'elles étant l'espace géographique de la région : la Navarre, plus grande à elle seule que les trois autres provinces réunies (Biscaye, Guipuzcoa, Alava), ne manifeste pas un enthousiasme excessif à se joindre à l'entité de l'Euzkadi.

Le 17 février 1978, on parvient à un compromis : un gouvernement autonome basque est constitué, réunissant les représentants des provinces de Biscaye, Guipuzcoa et Alava ; quant à la Navarre, elle décidera ou non de s'y intégrer après les élections municipales et le renouvellement de ses institutions régionales.

La plus grave difficulté demeure l'irrédentisme de l'organisation séparatiste ETA. Si la grande majorité de la population basque se contente du statut provisoire, les guérilleros marxistes exigent l'indépendance et ne reconnaissent pas le Conseil général présidé par le socialiste Ramon Rubial. La branche militaire de l'organisation relance ses activités armées, bien que le gouvernement central ait légalisé l'une des fractions politiques de l'ETA.

Le prurit nationaliste a gagné toutes les régions de l'Espagne. Le 3 décembre, à Malaga, des manifestations pour l'autonomie de l'Andalousie tournent à l'émeute : 1 mort. Le 12 décembre, c'est au tour des Canaries ; là aussi, à Tenerife, un étudiant est tué. Le soutien que le président Boumediene accorde au Mouvement pour l'autonomie et l'indépendance de l'archipel des Canaries (MPAIAC) provoque un grave conflit entre Madrid et Alger, où le leader nationaliste canarien Antonio Cubillo bénéficie, chaque soir, d'un temps d'antenne sur Radio-Alger pour appeler à la révolte les habitants de l'archipel. Tandis que la presse algéroise s'en prend à « la dernière colonie espagnole en Afrique ».