Le 21 février 1977 devant les congressistes américains il prétend que l'indépendance du Québec serait un « crime contre l'histoire de l'humanité ». Sous les applaudissements, il rend la monnaie de sa pièce à René Lévesque en garantissant l'unité nationale. « Je vous assure, avec toute la conviction dont je suis capable, que le Canada ne sera pas rompu. Il y aura des accommodements, des révisions. Nous réussirons », promet-il.

Au cours de ses tête-à-tête avec Jimmy Carter, il n'a aucune difficulté à faire admettre la nécessité d'un Canada fort pour empêcher un autre Cuba. Le président américain exprime même publiquement sa préférence pour la confédération, en prenant bien soin de souligner que la stabilité canadienne est d'une importance cruciale pour lui. « Mais, je suis sans crainte, dit-il. Si j'avais à choisir, j'opterais pour le fédéralisme. Cependant, ce sont aux Canadiens de décider. »

La réussite diplomatique du Premier ministre encourage, à Ottawa, une véritable chasse aux journalistes indépendantistes de Radio-Canada, dont les libéraux exigent le congédiement.

Direction

Contrairement à P. E. Trudeau et aux fédéralistes, qui appliquent la tactique du pas en avant et du pas en arrière, René Lévesque et son gouvernement pratiquent la politique des petits pas, toujours dans la direction de l'indépendance :
– le 16 mars : le ministre des Finances, Jacques Parizeau, abroge la loi de la Régie de lutte contre l'inflation. Le Québec, ce faisant, retire sa collaboration au programme fédéral de contrôle des prix et des salaires et soulève l'ire du gouvernement central ;
– le 25 mars : le gouvernement Lévesque publie les comptes économiques du fédéralisme canadien. Il en ressort que le Québec a perdu, dans le régime confédéral, 4,3 milliards de dollars (8,6 milliards en dollars de 1975) en quatorze ans, soit de 1961 à 1975. L'Ontario et Ottawa chicanent, cependant, les chiffres avancés par le PQ ;
– le 29 mars : le ministre des Communications. Louis O'Neil, rompt les ponts avec Ottawa et réclame pleine juridiction dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Il boycotte une conférence fédérale-provinciale organisée par son homologue du gouvernement central ;
– le 27 avril : le ministre d'État au Développement culturel, Camille Laurin, dépose à l'Assemblée nationale la charte du français, laquelle abolit le bilinguisme et fait du Québec un État unilingue. Après son adoption, cette charte imposera le français dans tous les secteurs d'activité et fermera les écoles anglaises à tous les nouveaux immigrants, même s'ils viennent des autres provinces canadiennes. Dans les faits, le Québec agit comme s'il était souverain.

Langue

Autant le gouvernement d'Ottawa juge que la charte du français est un retour à la grande noirceur, autant il admet, cette année, que les luttes des anglophones contre l'égalité des langues menacent l'unité nationale, davantage peut-être que la victoire du PQ. Elles contribuent certainement à affermir chez les Franco-Canadiens le sentiment que le Canada est un pays inique.

En été 1976 sévit une crise du bilinguisme dans les communications aériennes. Après Air Canada, une société de la Couronne qui interdit aux francophones de parler leur langue, c'est au tour des pilotes et des contrôleurs aériens anglophones, membres de la CALPA (Canadian Air Line Pilot Association) et de la CATCA (Canadian Air Trafic Control) de s'opposer à l'utilisation du français dans les aéroports du Québec. Ils maintiennent que l'anglais est la langue internationale des communications aériennes et que le bilinguisme compromet la sécurité.

Soutenus par les Anglo-Canadiens, les pilotes et les contrôleurs débraient illégalement, le 19 juin 1976, pour faire valoir leurs revendications. Durant neuf jours, ils paralysent complètement la circulation aérienne au Canada, à l'exception du Québec, où l'Association francophone des gens de l'air (AGAQ), affiliée à la CATCA, prône le bilinguisme.

Une entente intervient, le 28 juin, entre le gouvernement fédéral, la CALPA et la CATCA et met fin à la grève. En l'absence du Premier ministre P. E. Trudeau, le ministre des Transports, Otto Lang, un anglophone, accorde aux pilotes et aux contrôleurs un droit de veto sur le programme d'implantation du bilinguisme dans les aéroports du Québec. Dans un tollé général, les Québécois reprochent au ministre Lang d'avoir donné à « une bande de racistes » des prérogatives gouvernementales. Le 1er juillet, le ministre Jean Marchand démissionne du cabinet pour protester contre l'accord. « C'est une erreur assez grave, dit-il, pour justifier mon geste. Je ne peux demeurer dans un gouvernement qui accepte de négocier le bilinguisme. » Peine perdue, puisque, le 23, Ottawa décrète l'unilinguisme anglais dans tous les aéroports importants, politique finalement validée par les tribunaux, le 12 janvier 1977, à la suite d'une contestation judiciaire de l'AGAQ.