Les deux grands syndicats résistent à leurs propres divergences politiques (les socialistes, auxquels est liée la FGTB, sont dans l'opposition ; le CVP-PSC, chrétiens flamands et francophones, qui entretient de bons rapports avec la CSC, dirige le gouvernement). Quelques frictions sont inévitables. Les deux syndicats ne parviennent pas à définir une position commune dans leur tactique de revendication vis-à-vis du gouvernement-patron, au cours de la négociation d'une nouvelle convention collective dans les services publics. L'État doit montrer l'exemple : il se fait tirer l'oreille pour accorder quelques menus avantages n'impliquant, en principe, aucune dépense nouvelle.

Chômage

L'année sociale est riche en événements. Les occupations d'usines deviennent un phénomène presque courant. Dans la plupart des cas, les travailleurs pratiquent l'autogestion et vendent le produit de leur travail. Selon un sondage d'opinion effectué par l'INUSOP (Institut universitaire de sondage de l'opinion publique – ULB) pour les journaux Le Soir et Het Laatste Nieuws, 49,3 % des personnes interrogées trouvent « normal que les travailleurs d'une entreprise occupent leur entreprise pour défendre leurs intérêts » (en Wallonie le pourcentage est de 51,8 %). Les ventes sauvages ne sont admises que par 47,4 % des citoyens.

Le chômage atteint, au mois de mars 1976, 8,4 % de la population active. Le pays compte, en avril, 221 369 chômeurs, dont 100 192 hommes et 121 177 femmes.

La grève la plus spectaculaire de l'année est celle des bateliers qui, durant des semaines, barrent avec leurs péniches les principales voies navigables. Ils réclament l'obligation pour les industriels de faire appel à eux et demandent à bénéficier, à l'étranger, de conditions identiques à celles qui sont faites, en Belgique, aux bateliers étrangers.

Querelles

Les Belges ont assisté régulièrement aux marches du Taal Aktie Komitee (TAK), groupement extrémiste flamand protestant contre la création par le bourgmestre de la commune de Schaerbeek, Roger Nols, d'un guichet séparé pour la minorité flamande de sa localité (Journal de l'année 1974-75). Le Conseil d'État a condamné le système de Roger Nols. Le bourgmestre est d'autant moins pressé de s'incliner que d'autres interventions du Conseil d'État (concernant des situations anormales sur le plan linguistique dans des administrations centrales) sont jusque-là restées lettre morte. Roger Nols est soutenu par son parti, le FDF (Front démocratique des francophones).

L'affaire des guichets de Schaerbeek n'est pas le seul accrochage communautaire. Les relations Flamands-Wallons ont donné lieu à de véritables batailles. Les Wallons auraient voulu que le gouvernement opte pour le chasseur-bombardier Mirage français. Mais la Chambre s'est prononcée pour le F-16 américain, par 113 voix contre 92.

À peine cette première affaire est-elle oubliée qu'une autre se produit. Un rapport demandé par le ministre des Communications à un groupe d'études américain envisage une fusion, au sein du Benelux, de la compagnie aérienne nationale Sabena avec le KLM néerlandais et la société luxembourgeoise. Cette idée soulève un tollé général dans les rangs des francophones, qui prônent immédiatement une solution européenne aux difficultés financières de la Sabena.

Régionalisation

En marge de ces accrochages, de timides tentatives sont faites pour tenter de renouer le dialogue communautaire, c'est-à-dire les négociations entre Flamands et francophones sur le tracé des limites de leurs futures régions respectives. Le gouvernement espérait passer d'une phase transitoire de la régionalisation (qui semble s'éterniser) à la régionalisation définitive qui mettrait un terme à la querelle empoisonnée entre communautés linguistiques. C'eût été pour le Premier ministre, Léo Tindemans, et pour François Perin, ministre de la Réforme des institutions (régime français), un énorme succès politique.

Le Premier ministre a suivi avec intérêt et bienveillance les efforts déployés par Lode Claes, sénateur de la Volksunie (parti nationaliste flamand), et Robert Moreau (secrétaire d'État aux Affaires wallonnes, représentant du Rassemblement wallon) pour mettre au point le texte d'un compromis pouvant servir de base de négociation. À peine les propositions des deux négociateurs sont-elles rendues publiques, à la suite d'une indiscrétion, que le comité directeur de la Volksunie désavoue son représentant. Le parti flamand cautionne en même temps que le CVP (chrétiens flamands) et le PW (libéraux flamands) un autre document établi par le Vlaams Economisch Verbond (VEV – Union flamande des entreprises) ; ce document prévoit pour Bruxelles, point de contestation par excellence, la limitation aux 19 communes actuelles, en réservant la possibilité de quelques concessions limitées et réciproques le long de la frontière linguistique.