Financièrement, la situation est cependant moins rassurante. La SNCF continue de peser lourd sur le budget du ministère des Transports : 5,7 milliards de francs, en 1973. Le chiffre n'est pas alarmant en soi – les cheminots se sont toujours taillé la part du lion –, mais en le détaillant on peut y discerner une menace pour la réussite de la fameuse réforme qui devait refaire de la SNCF une entreprise gérée de façon industrielle, sans contribution de l'État au déficit d'exploitation. Cette contribution, fixée forfaitairement, était d'ailleurs déjà tombée de 756 millions de francs, en 1970, à 385 millions en 1972. Objectif : le niveau zéro à la fin 1974.

Or, pour 1973, an IV de la réforme, le montant prévu était de 190 millions. En fait, il a fallu une rallonge de 281 millions, dont près de 100 pour reconstituer la provision pour imprévu que la société avait entamée, fin 1971, à la suite des grèves de cette année-là. Le budget qui sera établi à la fin de 1973 dira si l'entorse à la règle du jeu acceptée par l'État et la SNCF n'est qu'un accident de parcours. Elle signifie en tout cas qu'il est moins simple que prévu de remettre la locomotive sur les rails de la saine gestion.

Métro

Du côté de la RATP aussi on montre une tendance marquée à devenir budgétivore. La Régie figure pour 830 millions de francs au budget de l'État en 1973 : 22 % d'augmentation ! À cette allure, le milliard sera atteint en 1974.

Cette massive participation publique s'explique par les dépenses d'investissements du RER, mais aussi par le déficit d'exploitation. Or, ce déficit provient pour 60 % du réseau de surface, dont les conditions d'exploitation ne cessent de se dégrader : la vitesse des autobus est tombée à moins de 10 km/h, et l'extension, à Paris, des couloirs réservés ne peut être considérée comme la première de ces mesures radicales que tous les experts, même les plus officiels, reconnaissent comme indispensables.

La priorité aux transports publics ne relève encore que des déclarations d'intention. On en voit une autre illustration dans la faible participation financière de l'État aux trois programmes de métro qui devraient démarrer cette année à Lyon, Marseille et Lille.

Route

L'automobile continue au contraire de bénéficier des faveurs du pouvoir. Depuis le coup d'accélération donné au programme autoroutier en 1972, la France sait qu'elle cessera de faire figure de parent pauvre auprès de ses voisins européens en 1978 ; elle comptera alors 6 000 km d'autoroute, dont 2 500 km seront en service à la fin de cette année. Ce ne sont pas les transporteurs routiers qui s'en plaindront. Avec 70 milliards de t/km transportées en 1972, n'ont-ils pas confirmé leur avance prise sur le rail ? Mais, pour eux aussi, les incertitudes viennent d'ailleurs que des courbes de développement.

Les négociations européennes sur les poids et dimensions (la Grande-Bretagne est favorable à la norme de 10 t par essieu, tandis que les Français utilisent l'essieu à 13 t), les positions prises en faveur d'une réglementation plus sévère des conditions de travail des chauffeurs routiers, la forte hausse du prix de revient des véhicules en location (6,4 % en 1971, 7 % en 1972), tout cela contribue à une dégradation des marges bénéficiaires dans les entreprises.

Air

Mêmes bilans positifs, mais qu'ils estiment fragiles, chez les trois transporteurs aériens. Air France (7,3 millions de passagers en 1972), Air Inter (3,8 millions) et UTA ont retrouvé un taux normal de progression (près de 13 % en moyenne annuelle depuis 1970) après la pause de 1971. Les trois compagnies ont dégagé des résultats bénéficiaires, mais se demandent si l'évolution discordante des coûts et des recettes ne risque pas de mettre fin à l'équilibre du transport aérien.

Crise de surcapacité, effort promotionnel se sont traduits par une baisse continue de la recette unitaire, tant à Air France, où la recette par t/km transportée est passée de 1,60 F en 1970 à 1,50 F en 1972, qu'à l'UTA, où elle passe de 1,84 F à 1,82 F – ce qui est appréciable en monnaie constante. Or, les trente jours de grève qui ont paralysé les aéroports en mars-avril 1973 ne peuvent qu'aggraver cette tendance : ils ont causé 175 millions de francs de pertes à Air France, 30 millions à Air Inter, 10 millions à UTA.

Mer

Sur l'eau, reprise du trafic fluvial après deux années de dégradation – avec, toutefois, un chiffre d'affaires pratiquement stable. Mais sur mer on fait donner les sirènes d'alarme. Pour la deuxième fois consécutive, le déficit de la balance des transports maritimes dépasse les 2 milliards de francs. Les remous monétaires, les surcapacités mondiales (gonflées de 50 % en 1972), les mesures de discrimination de pavillon ont conduit la plupart des pays à mettre en œuvre une politique de soutien à leur marine marchande. Les armateurs français, quant à eux, se posent encore la question de savoir si la France veut toujours une flotte sous pavillon tricolore. En attendant la réponse, la leur est passée au 11e rang mondial, derrière le Panama.

Agriculture

L'Europe verte au bord du gouffre

La Communauté économique européenne élargie à Neuf connaît au printemps 1973 des heures difficiles. Incontestablement ce sont les problèmes monétaires qui sont à l'origine de la plupart des problèmes posés et, pour une bonne mesure encore, l'inflation, qu'aucun pays ne parvient à maîtriser.